Guerre

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Foutue guerre:post

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Holden Caulfield est l’éternel compagnon de l’auteur durant la plus grande partie de sa vie adulte. Les pages qu’il habite et dont Salinger écrit la première à environ vingt-cinq ans, juste avant qu’il ne prenne le bateau vers l’Europe en tant que sergent, lui sont si précieuses qu’il les garde sur lui pendant toute la Seconde Guerre mondiale. Ces feuillets de L’ Attrape-cœurs prennent d’assaut les plages de Normandie, défilent dans les rues de Paris, assistent en maints endroits à la mort d’innombrables soldats et traversent les camps de concentration de l’Allemagne nazie.

Anna la Puttana:post

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Enfant, je n’arrivais pas à imaginer l’état d’âme d’un homme amoureux d’une femme-loutre. Comment se sentait-on face à un amour sans espoir, non en raison d’un refus, mais par la force même de la nature, parce que les choses étaient agencées de telle sorte que personne ne pouvait les changer ? J’éprouvais face à cette femme un sentiment comparable : attiré par elle, mais incapable de l’aimer.

Un vague sentiment d’illégalité:post

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Je sillonne l’Afghanistan depuis près de dix ans, seule, me déplaçant par mes propres moyens – le bus, le taxi commun, à pied – pour “regarder la guerre”. Après ma rude expérience tchétchène lorsque, en 1999-2000, je suis restée neuf mois d’affilée côté civil, infiltrée au cœur de la population, le séisme planétaire provoqué par le 11 septembre m’a incitée à réitérer l’expérience en Irak et en Afghanistan, pays déchirés par les deux guerres les plus marquantes de la première décennie du nouveau siècle.

Bravant interdits et lignes officielles – devenus, au fil des années, de plus en plus restrictifs, et incompatibles avec ma pratique du journalisme indépendant –, il m’avait fallu de la persévérance pour continuer à me rendre inlassablement sur les mêmes terrains désertés par la foule médiatique et absents de facto des radars de l’ opinion publique mondiale.

Les Psy des généraux:post

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L’ incident montre à quel point le commandement américain en Afghanistan cherche désespérément à convaincre ses dirigeants de soutenir une guerre de moins en moins populaire. […] “Tout le monde dans les Psyops, l’intelligence, et la communauté des services de renseignement, sait que l’on ne doit pas prendre d’Américains pour cible, raconte un vétéran d’une autre unité de Psyops qui a mené des opérations en Irak et en Afghanistan. C’est la première chose qu’on nous enseigne.”

Le Krach de la Kabul Bank:post

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En Occident, l’analyse la plus courante est que si Karzaï tolère la corruption de son entourage, il n’est lui-même pas corrompu. On dit qu’il la tolère parce qu’il croit ne pas avoir d’autre choix : alors que la plupart des Afghans exècrent leurs dirigeants qui usurpent de l’argent, ce sont ces mêmes dirigeants qui votent pour maintenir Karzaï au pouvoir. “Ces gars-là sont les vrais électeurs de Karzaï”, me dit ma source à l’Otan.

Les Grimpeurs:post

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Nombreux sont les coureurs qui parlent de Jock comme du père de l’équipe, tandis que lui les désigne comme ses enfants. Le Rwanda est évidemment mieux connu pour son passé fratricide, mais Jock ne cherche jamais à connaître l’histoire des cyclistes en dehors de ce qu’ils veulent bien lui dire. “Je ne m’intéresse qu’à leur potentiel, c’est tout”, m’affirme-t-il. Il y a dix-sept ans, pendant le génocide, les coureurs étaient tout juste des enfants. Ils n’ont eu aucune prise sur les crimes qui ont défini leur pays. Et cependant tous, Hutus et Tutsis, en ont gardé des séquelles et connaissent l’histoire de chacun. Ils savent qu’ils se sont trouvés divisés par leur identité dans le passé, et que ces divisions figurent toujours au tableau de la vie rwandaise. Mais ils veulent être connus pour autre chose.

Croque-Fruits:post

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Dans une zone qui n’a de libre que le nom, lui et son frère Lucien fondent la coopérative du Fruit mordoré, qui sera pendant près de deux ans, au plus sombre de la guerre, une planche de salut et un merveilleux laboratoire social. Les deux frères, refusant l’apathie, répondront aux aléas de la guerre par une solution pragmatique et toute poétique. Raconter l’histoire de la coopérative Croque-Fruits, c’est faire la lumière sur une aventure autant culturelle que politique et sociale, procéder, par travelling, à la traversée du Paris surréaliste des années 1930 jusqu’aux réseaux de Résistance en passant par la Gestapo lyonnaise.

Manuel de survie:post

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Cette brochure a été conçue à l’intention des services de protection civile, de la police et des pompiers. Les membres de ces services y trouveront les consignes à suivre en cas d’alerte, à l’intérieur comme à l’extérieur de la maison, et qu’ils convient d’indiquer à la population. D’autres conseils seront diffusés ultérieurement en ce qui concerne les comportements à adopter sur le lieu de travail ainsi que dans les écoles, lycées et collèges.

La Guerre en appartement:post

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“Pas mal, ton petit article, mais pourquoi tu ne cites que les prête-noms, et pas les vrais décideurs ?” Vexé, je cherchais à changer de sujet, mais mon interlocuteur insistait, narquois : “Le sujet est bon, mais franchement, on reste sur sa faim… C’est d’autant plus dommage qu’on voit que tu as bossé !” J’avais publié le matin même dans Intelligence Online, ma lettre d’information sur les zones grises de la géopolitique, un article intitulé “Red Star fait voler l’O.T.A.N. à Kaboul”. J’y expliquais comment, depuis 2002, les bases aériennes de Manas, au Kirghizistan, et de Bagram, en Afghanistan, plates-formes des opérations militaires occidentales dans la région, étaient alimentées en kérosène par deux sociétés totalement inconnues : Red Star et Mina Corp. En huit ans, le Pentagone leur avait versé deux milliards de dollars. Mais, en consultant le registre du commerce de Gibraltar, j’avais découvert qu’elles ne disposaient que d’un capital de deux mille livres, somme dérisoire au regard des montants qu’elles brassaient. Pire encore : alors que toutes les opérations de l’O.T.A.N. dépendaient d’elles – en 2010, pas moins de trois mille cinq cents soldats transitaient chaque jour par la base de Manas –, leur actionnariat demeurait totalement opaque. À la moindre pénurie de carburant – le site consommait 1,8 million de litres par jour ! –, ce ballet aérien s’arrêterait net.

Les morts de ma cour:post

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Cette nuit-là, quand ils ont massacré les Juifs, c’était impossible de sortir, sinon on risquait une balle dans la tête, direct. Pépé a dit : “Ils s’en sont pris aux Kułaga. Ils doivent être en train de leur bousiller leurs ruches”, ça faisait un tel boucan. Mais on pouvait pas mettre le nez dehors. C’est seulement le lendemain matin qu’on a su ce qui c’était passé. La foule avait déjà commencé à s’agglutiner, parce que les gens passaient par là pour aller à l’église à Kiełczewice. Quelqu’un a demandé à ma mère qui était devant la maison : “Et vous, vous voulez pas voir les harengs ?” Parce qu’ils étaient alignés comme des harengs dans une boîte. Maman et pépé étaient effondrés. Je suis allée voir. Il y avait des morts par terre. On les avait déshabillés. Pas complètement, non, ils étaient en slip ou en caleçon long. Je ne suis pas restée longtemps, on m’a vite fait rentrer. Après, j’ai entendu dire que des gens étaient venus avec des petites pinces et qu’ils leur avaient retiré leurs dents en or. Il y en avait qui riaient de ces pinces.

Le Cercle des espions disparus:post

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C’est un club fermé, sans enseigne ni statuts. Il est réservé aux écrivains et aux espions, aux espions-écrivains et vice versa. Ses créateurs voulaient lui donner le nom d’un grand homme de lettres qui fut aussi un homme d’affaires prospère. Ce sera Caron, comme Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), l’insolent touche-à-tout du siècle des Lumières. Au cercle Caron, on aime à fumer le cigare, à bien boire et à bien manger, avec la “sainte mission de toujours refaire le monde” au prix d’une langue “sévère” et d’un “message politique et humaniste”, dixit le site Internet.

Opération Dubaï:post

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Lundi 18 janvier 2010, au matin

A 6 h 45, les premiers membres d’un commando d’élite israélien atterrissent à l’aéroport international de Dubaï et se déploient dans toute la ville en attendant de recevoir de nouvelles instructions. Au cours des dix-neuf heures qui vont suivre, le reste de l’équipe – au moins vingt-sept personnes – va débarquer d’avions en provenance de Zurich, Rome, Paris et Francfort. Ils sont venus assassiner un homme dénommé Mahmoud al-Mabhouh, un chef du Hamas connu du Mossad – les services de renseignements israéliens – sous le nom de code “Ecran Plasma”.

La plupart des agents présents appartiennent à une division ultrasecrète du Mossad baptisée Césarée, une organisation autonome chargée de missions éminemment dangereuses et décisives : assassinats, sabotages, infiltrations d’installations de haute sécurité. Appelés “combattants” de Césarée, ses membres constituent l’élite du Mossad. Rarement en contact avec les autres agents, ils se tiennent à l’écart de la division centrale située au nord de Tel-Aviv et sont soumis à un entraînement intensif dans des lieux auxquels personne d’autre n’a accès. Interdiction leur est faite d’utiliser leur vrai nom, y compris dans le cadre de conversations privées, et leur famille – à l’exception de leur épouse – et leurs amis les plus proches ne sont pas au courant de leur activité.

Boum Boum Tchac Bling Bling:post

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Pas un rappeur en vue. Dans les allées du parc des expositions de Bâle, la population est majoritairement blanche, entre deux âges et aisée. C’est ici que, chaque année, les joailliers et les horlogers viennent présenter leurs dernières créations lors du salon annuel Baselworld. Le 28 mars 2011, c’est le cocktail d’inauguration, et chaque exposant s’efforce d’éclipser tous les autres à coup d’annonces spectaculaires et de débauches de célébrités. Sur le stand du New-Yorkais Jacob & Co, Milla Jovovich parade, les mains, les bras et le cou criblés de pierreries. Derrière l’actrice, le fondateur du groupe Jacob Arabo décrit les bijoux qu’elle porte à la presse et aux invités. Jusqu’en 2006, on croisait plus facilement le diamantaire dans les boîtes hip-hop de la côte est des États-Unis qu’en Suisse : fournisseur attitré des rappeurs, l’homme était surnommé le “roi du Bling” et remercié dans plus de soixante-dix chansons. Mais son ascension fulgurante a été stoppée nette en 2008 par une condamnation à deux ans et demi de prison pour blanchiment. Libre depuis six mois, il fait à Bâle sa première réapparition publique. Son histoire illustre les relations complexes qu’entretient le milieu du rap avec les diamants.

Guantánamo autrement:post

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Costa Rica, Salvador, Jamaïca, Filipinas… Où suis-je ? Suivant les indications affichées sur les vingt-cinq kilomètres d’un bitume parcouru sous un cagnard tropical, je serais donc passé en moins d’une heure d’Amérique centrale en Asie du sud-est, avec escales diverses en mer Caraïbes.

Explication ! Au sortir du hameau El Escribo, l’autopista, parsemée de panneaux annonçant ces destinations lointaines mais trompeuses, mène à Guantánamo. Plus de doute. Un dazibao immense surplombe la route : Guantánamo Nuestro Partido A la Vanguardia En La Batalla De Ideas. On entre dans l’Histoire pour très rapidement plonger dans le fantasme. Le décor laisse présager un territoire tabou. Route déserte, montagnes austères au loin et une intime sensation de pénétrer dans un domaine interdit. Du moins étroitement surveillé. L’intuition se confirme. Sur ce rare ruban de bitume sans ornières, l’excès de vitesse est fermement déconseillé. La limitation du compteur est implicitement imposée par cet écriteau au ton comminatoire : Punto de control. Et cela a peu à voir avec la sécurité routière.

Le théâtre des opérations:post

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L’air a porté notre avion jusqu’à une nouvelle mission. Dehors, l’appareil tiède qui vient d’atterrir, ce n’est pas la chaleur du réacteur, mais le désert ! Au nord la Libye, à l’est le Darfour. Partout le vide, bouché par un air étouffant, un air de vacances au bord de la guerre… Alors bois, photographe ! Bois avant que le désert ne te mange. Et couvre ton Nikon bientôt bouillant ! Déjà trop tard quand tu as soif !

Mes Légionnaires:post

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L’adjectif “étrangère” qui qualifie la Légion ne réfère pas à de lointains champs de bataille. Il renvoie à la Légion elle-même, corps de l’armée commandé par des officiers français mais dont les rangs comptent des volontaires venus du monde entier. L’été dernier, j’en rencontre une vingtaine sur le tertre herbeux d’une ferme près des Pyrénées françaises.

Admir:post

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“Je suis né trois fois”, dit-il soudain, et la fumée se met à danser sous l’inflexion de son souffle. Sa mère, rompant un silence de plusieurs jours, dit : “Si seulement tu étais mort à la guerre.” Puis elle pense à sa pension de veuve et que la Bosnie-Herzégovine la paierait bien davantage s’il était un Šehid, mort à la guerre pour son pays de lys. Mais au lieu de mourir, il est né trois fois. La femme en face de lui, à la bouche tendue par la curiosité, va apprendre comment tout est arrivé.

Vacances de printemps arabe:post

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Chris Jeon atterrit au Caire le 23 août 2011, un mois avant la reprise des cours. Ses parents croyaient qu’il allait faire du tourisme en Égypte. Il apporta un jean, trois chemises, une veste en cuir, une paire de Converse et deux préservatifs. Une fois au Caire, il sauta dans un bus qui le mena jusqu’à Saloum, à la frontière libyenne.

Des rebelles tenaient le poste de garde. Ils jouaient à FIFA sur leur PlayStation lorsque Jeon apparut. Il les salua. Ils jetèrent un œil à son passeport et s’en retournèrent à leur jeu vidéo. “OK, cool”, dit Jeon. Il pénétra à pied sur le territoire libyen, sans plus de formalités.

Comandante Yankee:post

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Pendant un instant, il disparut dans la nuit de La Havane. Il était comme invisible, comme il l’avait été avant d’arriver à Cuba, au cœur de la révolution. Puis la lumière des projecteurs l’illumina violemment, lui, William Alexander Morgan, le grand comandante yankee. Il se tenait debout, le dos contre un mur grêlé de balles, dans une douve vide entourant La Cabaña – une forteresse du XVIIIe siècle transformée en prison et située sur une falaise surplombant le port de La Havane. Des taches de sang étaient en train de sécher au sol, là où on venait de tuer un ami à lui, quelques instants plus tôt. Morgan, alors âgé de trente-deux ans, cligna des yeux sous la lumière. Il faisait face à un peloton d’exécution.