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Sex Without Pistols:post

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JOUR 2

17 h 11 Audition de Tatiana Anossova, quêteuse. C’est une femme d’un certain âge coiffée d’une tresse couronne, vêtue d’un gilet blanc et d’une jupe.

17 h 32 “Je travaille à la cathédrale du Christ-Sauveur depuis neuf ans…” Anossova est au bord des larmes. “À ce moment-là, j’étais à mon poste, je vendais des bougies à deux paroissiennes. J’ai entendu des cris déchirants. Et là, je vois, sur l’ambon… Je ne pouvais pas laisser l’argent sans surveillance, j’ai demandé aux paroissiennes de garder mon poste, et j’ai couru. Elles étaient là, vêtues de robes multicolores. Elles ont commencé à balancer leurs bras, leurs jambes. Je n’ai pas entendu ce qu’elles criaient, grâce à Dieu. Elles ne m’ont pas simplement injuriée, elles m’ont craché à la figure, elles ont craché sur mon Seigneur !”

17 h 37 Elle continue : “Je ne pouvais pas monter sur l’ambon : je suis une femme. Je me suis tournée vers un groupe de fidèles qui se tenaient contre le mur : ‘Pourquoi restez-vous debout ainsi ! Le Temple est profané !!!’ Deux hommes se sont avancés, puis Vinogradov est arrivé. Une des paroissiennes pleurait, une autre a fait un malaise cardiaque, à une troisième il a fallu donner un anxiolytique. Depuis, je pleure souvent. Personnellement, je manipule de l’argent dans mon travail, et je n’arrive plus à me concentrer pour rendre la monnaie. C’était un acte de haine, un acte hostile dirigé contre nous. Mon âme est meurtrie encore aujourd’ hui, j’aimerais vous la montrer, mon âme.”

Touche pas à ma ville:post

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J’avais neuf ans en 1974 quand, au plus fort de la crise déclenchée par la politique de mixité raciale dans les écoles, mes parents et moi avons traversé South Boston en voiture pour rentrer à Dorchester, où nous habitions. Au niveau de West Broadway, nous nous sommes retrouvés coincés dans un embouteillage monstre, et, pare-chocs contre pare-chocs, nous avons progressé à une allure d’escargot au milieu d’un des rassemblements populaires les plus effrayants que j’aie jamais vus. Des effigies du juge Arthur Garrity, du sénateur Edward Kennedy et du maire Kevin White, accrochées aux réverbères, brûlaient un peu partout. Les flammes se reflétaient sur les vitres de la Chevy de mon père, à travers lesquelles je voyais défiler les visages d’une foule tellement déchaînée que la scène avait un caractère quasi médiéval.
Ce soir-là, la raison ne faisait pas recette dans West Broadway – pas plus que la compassion ni le désir de débattre de nos différences dans la nuance ou le respect de la complexité. L’heure n’était pas aux échanges civilisés, mais à la rage.

Lettres d’Oslo:post

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22 avril

Demain lundi s’ouvre la deuxième semaine du procès Breivik. Je couvre l’événement pour Associated Press. La semaine dernière à la même heure, je me rongeais les ongles et mettais tout ce qu’il ne fallait pas dans mon sac. Aujourd’hui, je sais qu’il faut prévoir un déjeuner deux fois plus consistant que ne l’exigerait une journée normale, quelques en-cas, une grande bouteille d’eau (à ne pas ouvrir entre le moment de l’achat et l’entrée dans la salle de tribunal), mon chargeur d’ordinateur le plus résistant, et des porte-bonheur. Ça m’ennuie de ne pas retrouver mon grigri préféré, une pièce en or, souvenir du Sacré-Cœur.