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La Havane et mes années à bicyclette:post

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J’ai appris à faire du vélo à La Havane, mais pas quand j’étais petite car, dans mon enfance, posséder une bicyclette était presque un luxe. C’est la crise des années quatre-vingt-dix qui m’a amenée au deux-roues, et j’avais déjà vingt ans. Quand le pays s’est retrouvé paralysé, privé de carburant, le gouvernement a commencé à vendre massivement des vélos, et ce qui en Europe est considérée comme une pratique saine et écologique est quasiment devenu à Cuba notre unique moyen de transport. Ironie du sort : je dois à la crise d’avoir éveillé en moi cette passion.

La Diagonale du fou:post

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Prologue, ou préambule, puisqu’on dit prologue pour les courses cyclistes et préambule pour les traités. On dit également ouverture pour les tournois de football et les opéras.

Il y a cent ans, Cendrars a écrit La Prose du Transsibérien. Autant qu’Alcools, elle inaugure la poésie contemporaine. Enthousiasmée par le poème, Sonia Delaunay a l’idée de peindre les pages du livre. Elle opte pour une feuille de papier japon ou simili de deux mètres qu’elle plie en accordéon. Les cent cinquante exemplaires, proposés par souscription, monteraient aussi hauts que la tour Eiffel. Hasard ou pas hasard, c’est la même année qu’on voit débouler La Roue de bicyclette de Marcel Duchamp. Et la voir tourner, la roue, car elle tourne, avait déjà “quelque chose d’apaisant”.

Aura du sol:post

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Ma bibliothèque est remplie de petits coureurs en métal qui prennent d’assaut le dénivelé des étagères. Ils forment un cortège immobile qui donne pourtant au regard une sensation de vitesse. Leur coup de pédale aérien passe devant mes Romain Gary (La Promesse de l’aube), mes Marguerite Duras (Des journées entières dans les arbres), mes Modiano (Rue des Boutiques Obscures). Quand le soleil transperce la verrière du bureau, il dore chaque coureur, le maillot jaune et tous les autres. Dans mon cirque démocratique, même les obscurs prennent la lumière. Moi pour qui le stylo n’est jamais loin du vélo, moi qui confondrais l’encre et le cambouis tachant le bout de mes doigts, je contemple le spectacle muet de mes champions miniatures comme s’ils étaient de vrais géants, des géants de poche. Ils m’accompagnent depuis l’enfance, et ensemble nous nous relayons pour apprendre à ne pas grandir.

Histoires Naturelles du dopage:post

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Antoine Vayer c’est Hérodote en short kaki et sandales romaines qui raconte ses guerres contre le dopage. C’est aussi Ptolémée qui légitime les calculs de puissance exprimés en watts qui ont confondu les vainqueurs du Tour, ceux qui y ont prétendu, et ceux dont la supercherie a été mise en lumière. Antoine Vayer c’est aussi l’homme des catégories : “les suspects” qui tournent autour des 410 watts, “les miraculeux” qui franchissent les 430 watts et “les mutants” qui tutoient les 450 watts, où comment tracter une charge de 100 kilos après cinq heures d’effort dans une pente à 10 %. Antoine a 52 ans, il est aujourd’hui professeur d’EPS à Saint-Brieuc. Il entraîne toujours quelques jeunes pros à qui il délivre ses programmes. Vayer est celui qui a renseigné ses contemporains et quelques journalistes dès le début de l’affaire.

Seconds Couteaux Fines Lames:post

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Le second couteau est un remueur. On attend de lui qu’il mette un jour le nez à la fenêtre et le feu aux poudres, qu’il secoue. Il sort de la grisaille du peloton, il en a la force, il n’est pas anonyme, on connaît son visage et sa manière, on reconnaît aussitôt son déhanché, sa grimace, sa stature, son côté cinglé et sacrificiel qui manque tant aux autres et qui fait que la course reste incertaine, improbable.

Les seconds couteaux sont le génie dans le système. Ils sont l’action, l’imprévu, le geste sans calcul. Ils apportent la preuve que la victoire est possible et qu’elle ne peut pas toujours être confisquée par les plus forts.

Tour de France 2000:post

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Au début du mois de juillet, alors que les coureurs du premier Tour de France du nouveau millénaire entamaient leur descente sinueuse vers le sud à travers les plaines occidentales du pays, j’ai visité un petit musée consacré au cyclisme dans la station thermale galloise de Llandrindod Wells. Il y a, dans ce monument à l’obsession conservatrice, parmi les vélocipèdes et les engins à roue motrice datant d’avant 1896, les colliers de câbles et les trousses de réparation présentés comme des reliques, une petite vitrine qui contient les restes vestimentaires du coureur cycliste britannique Tom Simpson. Un maillot d’un blanc douteux : col à fermeture éclair, un grand Union Jack, le drapeau du Royaume-Uni, sur chaque épaule, logo du fabricant (Le Coq Sportif) sur le devant, et traces décolorées de colle en travers révélant le retrait d’un nom de sponsor peut-être, ou des galons bariolés remis à l’occasion de quelque victoire passée.

Et la transcendance, bordel ?:post

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Maintenant que j’y pense, ma dernière course – mon dernier dossard – remonte à un moment. Il y a, attendez voir, plus de… dix-huit ans, que je me suis décidé à jeter l’éponge. C’était le 16 août 1996, le souvenir reste précis dans ma mémoire. J’avais couru la veille au soir un critérium en bord de Loire. À Gien, tiens. Je m’étais échiné avec les autres, cinquante ou soixante fois la même petite côte, les mêmes freinages et les mêmes virages, cinquante ou soixante passages sur la ligne d’arrivée, dans cette espèce de frénésie tranquille, cette fureur distanciée et sûre d’elle, cette étrange incontinence musculaire que confère l’amphétamine. J’étais maigre comme un clou, je marchais comme une bête. Parce qu’il me revient de le dire, oui : depuis quelques semaines, après dix ans de courses à plein temps, je m’injectais une petite bulle sous la peau de la cuisse avant le départ.

100 Tours de France en 50 chiffres:post

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Boule à zéro

Les cyclistes, on le sait, se rasent les jambes. Voilà bien longtemps que l’on n’a plus vu une patte velue sur le Tour de France. Ils le font officiellement pour des raisons d’hygiène : en cas d’accident, ils préfèrent ne pas avoir de saletés accrochées aux poils et ne pas subir l’arrachage dudit poil collé au sparadrap… Ils le font aussi pour le confort : nombreux sont ceux qui soutiennent que, pour le providentiel massage du soir, la jambe rasée est plus confortable sous la main et l’onguent. Mais la raison secrète de tous est que la jambe rasée est belle et que le cycliste est fier de son outil de travail. Chut !

En revanche, les coureurs gardent volontiers une barbe de deux ou trois jours. Le rasage des joues leur ôterait de l’influx nerveux. Voilà qui devient bien mystérieux.

Comment expliquer alors que, depuis quelques années, on voie également fleurir dans le peloton des boules à zéro ? Marco Pantani semble avoir lancé la mode de se raser le crâne. Rasmussen l’a suivi, John Gadret aussi, puis d’autres.

Abécédaire de la petite reine belge:post

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Abakoumov

ou la Belgique comme foyer et pays d’accueil pour les cyclistes étrangers, les Anglo-Saxons, les Scandinaves, ici un Ukrainien. Igor est né à Berdiansk au bord de la mer d’Azov où l’on est habitué aux harengs séchés, fumés, saurs, mais moins aux marinés et aux rollmops. À trente et un ans, il s’entraîne toujours sur les routes belges mais se retrouve au chômage et répète “on sait maintenant qu’il n’y a pas que le vélo dans la vie”. Il était parti sur les traces d’Andreï Tchmil, tour à tour soviétique, russe, moldave, ukrainien, obtenant la nationalité belge pour ses trente-cinq ans, l’étrennant par une victoire à Kuurne-Bruxelles-Kuurne, après qu’on l’avait vu voler sur les pavés du Nord ou plutôt les labourer comme un cheval, courant encore quatre ans, puis devenant manager de l’équipe Katusha avant de se porter candidat à la présidence de l’Union Cycliste Internationale. Là-bas, jadis, était resté Boris Sloutski, coureur méconnu, poète pas beaucoup plus reconnu, qui a pourtant écrit un très beau poème sur le sujet :

“Le plus important c’était les usines

On avait asphalté les banlieues avant

le centre.

Elles menaient aux usines

Tracteurs de Kharkov

Usines de vélo

Faucille et marteau

Le soir

Nous sortions à vélo

Et faisions la course sur l’asphalte

C’est Sérioja Makéev qui donnait le rythme.”