France

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Faux Paris:post

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Quelle aurait été, par exemple, la vision d’un pilote allemand en 1918 ? Par une nuit de pleine lune, à haute altitude, il aurait sans doute suivi, depuis ses positions au nord de la Picardie, le bandeau des routes ou des lignes de chemin de fer le conduisant vers la capitale française, puis, croyant survoler la zone, il aurait tenté d’identifier la Seine étincelante et sa courbe caractéristique qui scinde la ville en deux. Dans les ténèbres de la terre, il aurait ensuite cherché à repérer ses cibles potentielles (gares, usines, monuments) à partir des taches de lumière signalant la grande ville et ses principaux édifices. Peut-être se serait-il alors laissé prendre au subterfuge de Jacopozzi, et aurait-il largué ses bombes sur les champs du val d’Oise à vingt kilomètres de Paris ? On peut également imaginer que, sur le chemin du retour, il aurait repéré une autre grande ville semblable à la première laissant apparaître le doute dans son esprit. Dans la fraîcheur piquante de l’altitude, il aurait ressenti soudainement le coup de chaud provoqué par son ahurissement. Pouvait-il y avoir deux Paris ? Quelle était cette physionomie urbaine qui, en bas, comme le dessin d’un monstre gigantesque, surgissait du tapis charbonneux de la terre ?

Le Roman sanglant de Joseph Vacher:post

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Vacher, malgré ces aimables prémices, fut néanmoins nommé caporal. On raconte qu’il faisait respecter la discipline à coups de poing et que même un certain jour, il faillit étrangler l’un de ses subordonnés fautif. Aux yeux de tous, Vacher passait pour un fou mêlant à des idées de persécution un délire vaniteux assez ridicule : il aimait en effet à s’arracher devant témoins les cheveux et les poils des bras pour montrer combien il était insensible à la douleur.

Continuant ainsi sa carrière, menaçant les uns, manquant à plusieurs reprises de tuer ses camarades à coups de rasoir et tombant parfois dans des crises de stupeur d’où il ne sortait que pour crier “comme jamais, dira l’adjudant Griffoult, je n’ai entendu homme crier”. Vacher ne manqua pas de réussir et fut brillamment nommé sergent.

Prolétaires et Forçats:post

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“Le genou de Lloyd.” Prologue : Liège. Alors que la plus grande course cycliste du monde capitaliste s’élance de Liège, une non-polémique ne prendra pas corps. Sans doute pourrait-on, en hommage au film d’Eric Rohmer, nommer cette non-affaire “Le genou de Lloyd”. Je veux parler de Lloyd Mondory, sprinter de l’équipe A.G.2R.-La Mondiale. Aujourd’hui, alors que sa famille avait loué un camping-car pour suivre le fils prodige durant le Tour, Lloyd a dû se résoudre à abandonner en raison d’une douleur au genou – problème récurrent chez lui – due à un problème de cales mal réglées durant le Tour de Suisse. Il espérait la voir s’estomper au championnat de France mais la pluie n’a rien arrangé ce jour-là. Il n’a rien osé dire de sa souffrance à ses coéquipiers, pas plus qu’ à son directeur sportif. Mais sa douleur n’a pas cessé d’empirer jusqu’à ce que, comble d’ironie, on lui annonce sa sélection pour le Tour de France. Sa joie fut aussitôt contrariée par ce que lui-même savait sans oser en parler à son entourage. Vendre la mèche, c’était renoncer à son rêve.

La Folie merveilleuse:post

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Justo Gallego Martínez construit une cathédrale de gravats et de ferraille depuis cinquante ans. Quand il a commencé, le mur venait d’être érigé à Berlin et Youri Gagarine contemplait la Terre depuis l’espace. Gallego a aujourd’hui quatre-vingt-six ans mais il continue de se lever tous les matins à sept heures et d’enfiler son bleu de travail. Comme il a souvent froid, il s’enroule, même en été, une écharpe autour du cou et se met un bonnet rouge feu sur la tête. Gallego ressemble alors un peu à l’unique moine d’un ordre singulier.

Mes Légionnaires:post

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L’adjectif “étrangère” qui qualifie la Légion ne réfère pas à de lointains champs de bataille. Il renvoie à la Légion elle-même, corps de l’armée commandé par des officiers français mais dont les rangs comptent des volontaires venus du monde entier. L’été dernier, j’en rencontre une vingtaine sur le tertre herbeux d’une ferme près des Pyrénées françaises.

Au comptoir de “Matonville”:post

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Le chauffeur de taxi ne veut pas l’emmener. “Vous vous trompez, assure-t-il. Il n’y a rien à cet endroit !” L’adresse indiquée est pourtant la bonne. Elle conduit à Fleury-Mérogis, située au nord de l’Essonne, où une gigantesque prison est en train de sortir de terre. En cette année 1967, le chantier s’achève. À quelques centaines de mètres, un lotissement neuf s’apprête à accueillir les surveillants pénitentiaires et leur famille. L’anecdote du taxi récalcitrant est racontée par l’une des premières habitantes du quartier. Son adresse, nommée “les Résidences”, n’est encore qu’un champ de boue au pied des tours bâties en urgence pour établir les fonctionnaires. Certains d’entre eux, faute d’appartements viables, dorment dans la maison d’arrêt voisine. En attendant que les chemins soient goudronnés, le facteur vient muni de bottes.

Cantinage:post

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Le 2 janvier 2007, à la suite d’une querelle sur l’hygiène dans la cellule : obéissant “à une pulsion d’agressivité”, Nicolas Cocaign, alors âgé de trente-cinq ans, frappa à coups de poing et de pied, ainsi qu’avec une lame de ciseaux, Thierry Baudry, quarante et un ans, avant de l’achever en l’étouffant avec des sacs-poubelle. Puis, Nicolas Cocaign prépara son repas du soir avec l’intention de manger le cœur de sa victime. À l’aide d’une lame de rasoir, il découpa minutieusement le thorax de Thierry Baudry, enleva une côte et retira un organe qui s’est avéré par la suite être un morceau de poumon et non de cœur. Il en mangea une partie crue puis cuisina le reste avec des oignons sur un réchaud de fortune. “Je voulais prendre son âme”, déclara-t-il plus tard au juge d’instruction chargé de l’affaire.