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Les Grimpeurs:post

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Nombreux sont les coureurs qui parlent de Jock comme du père de l’équipe, tandis que lui les désigne comme ses enfants. Le Rwanda est évidemment mieux connu pour son passé fratricide, mais Jock ne cherche jamais à connaître l’histoire des cyclistes en dehors de ce qu’ils veulent bien lui dire. “Je ne m’intéresse qu’à leur potentiel, c’est tout”, m’affirme-t-il. Il y a dix-sept ans, pendant le génocide, les coureurs étaient tout juste des enfants. Ils n’ont eu aucune prise sur les crimes qui ont défini leur pays. Et cependant tous, Hutus et Tutsis, en ont gardé des séquelles et connaissent l’histoire de chacun. Ils savent qu’ils se sont trouvés divisés par leur identité dans le passé, et que ces divisions figurent toujours au tableau de la vie rwandaise. Mais ils veulent être connus pour autre chose.

Tyson en banlieue:post

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Il n’a plus ses dents en or ni les attributs détraqués de sa gloire d’antan : les fêtes sans fin, les voitures, les bijoux, le tigre de compagnie, les litres de champagne Cristal. Mike Tyson – qui selon son propre aveu était accroc “à tout” – vit maintenant dans un environnement tout autre, lumineux, qu’il s’est construit de ses propres mains. Loin des autres.

Senna le Brésilien:post

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La brume matinale ne tarderait pas à laisser place à un ciel immaculé. C’était l’annonce d’une belle journée de fin d’été. Tout à mon enthousiasme juvénile à l’idée d’assister à un championnat du monde de karting, j’étais loin de me douter que je m’acheminais vers une rencontre qui allait être déterminante pour ma vie d’homme et de journaliste. Une rencontre qui, ce matin de septembre 1978 au Mans, se matérialiserait sous la forme d’une silhouette vêtue de noir portant un casque jaune se découpant au milieu d’une meute de pilotes venus de tous les continents. Son style de pilotage révélait une osmose peu commune entre l’homme et sa frêle machine. Un tel flirt avec les lois de l’équilibre et un tel engagement physique ne pouvaient que susciter la curiosité et l’envie d’en savoir plus sur cet anonyme n° 70, identifié sur le programme comme étant un Brésilien de dix-huit ans ayant pour nom Ayrton da Silva et dont c’était la première apparition en Europe.

Une visite à son stand s’imposait. Alors que je m’attendais à découvrir un costaud à la mine décidée, je tombais sur un jeune homme à la silhouette frêle, aux traits fins, presque féminins. Son regard sombre, aux aguets, laissait transparaître quelque chose qui ressemblait à de la timidité ou peut-être à de la méfiance. À l’époque, celui qui allait devenir un pilote de légende ne maîtrisait pas trop l’anglais et ne parlait, outre le brésilien bien sûr, que l’italien, la langue d’origine de sa mère, Neide, mais aussi celle de son équipe de mécanos. C’est donc dans une sorte d’espéranto italo-britannique que notre premier échange eut lieu. Je crois pouvoir dire qu’entre nous est née ce jour-là une certaine complicité qui devait durer plus de quinze ans.

Une saison de polo:post

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Les bonnes juments n’oublient jamais. Une fois qu’elles ont tout appris : à galoper sur le bon pied, à s’arrêter à temps, à être pleines d’allant mais néanmoins obéissantes, à se laisser monter avec élégance… Les années ont beau passer, elles savent se comporter comme il se doit. C’est pourquoi, dans l’univers du polo, les bonnes juments sont sacrées. Absolument sacrées.

On les bichonne, on les coiffe comme des courtisanes mais on ne les laisse pas s’accoupler, surtout pas au petit bonheur. Chaque mois, avec une ponctualité toute biologique, un groupe d’experts leur ponctionne un ovule qui est ensuite fécondé in vitro avec les spermatozoïdes d’un étalon. L’ embryon, lui non plus, ne leur revient pas. Il est implanté dans un ventre de substitution chargé de mener à bien la gestation. À ce stade, la valeur de l’embryon atteint déjà cinquante mille dollars.

Prolétaires et Forçats:post

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“Le genou de Lloyd.” Prologue : Liège. Alors que la plus grande course cycliste du monde capitaliste s’élance de Liège, une non-polémique ne prendra pas corps. Sans doute pourrait-on, en hommage au film d’Eric Rohmer, nommer cette non-affaire “Le genou de Lloyd”. Je veux parler de Lloyd Mondory, sprinter de l’équipe A.G.2R.-La Mondiale. Aujourd’hui, alors que sa famille avait loué un camping-car pour suivre le fils prodige durant le Tour, Lloyd a dû se résoudre à abandonner en raison d’une douleur au genou – problème récurrent chez lui – due à un problème de cales mal réglées durant le Tour de Suisse. Il espérait la voir s’estomper au championnat de France mais la pluie n’a rien arrangé ce jour-là. Il n’a rien osé dire de sa souffrance à ses coéquipiers, pas plus qu’ à son directeur sportif. Mais sa douleur n’a pas cessé d’empirer jusqu’à ce que, comble d’ironie, on lui annonce sa sélection pour le Tour de France. Sa joie fut aussitôt contrariée par ce que lui-même savait sans oser en parler à son entourage. Vendre la mèche, c’était renoncer à son rêve.