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Fordlândia:post

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Luna Park né du désir le plus fou d’un magnat de l’automobile mégalomane, Fordlândia doit concilier pragmatisme et idéalisme. Un si séduisant programme ne pouvait sans doute prendre place ailleurs qu’au beau milieu de nulle part. D’un coup de baguette magique, Ford transpose une Amérique de carte postale au cœur de l’enfer vert. La vie est belle de Capra cohabite avec l’anaconda, le jaguar et la malaria.

Le Billisme:post

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Voilà donc, au milieu des années 1950, qu’au moins deux cent mille chômeurs “de naissance” (selon la revendication effrontée d’un chef Bill) constituent la majorité des Kinois. Les plus délurés d’entre eux s’entichent du personnage de Buffalo Bill, figure mythique du grand chasseur.

L’Obsolescence programmée des objets:post

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La vision classique de l’économie reposait sur la croyance en une Nature avare de ses biens et sur l’idée que la race humaine était confrontée en permanence au spectre de la pénurie. L’économiste Malthus tirait la sonnette d’alarme dans un texte de 1798 : la hausse de la population qui, prédisait-il, serait largement supérieure aux gains de la production de denrées comestibles, appauvrirait notre race.

Cependant, la technologie moderne et l’approche scientifique du commerce, cette véritable aventure de l’esprit, ont augmenté la productivité des usines et des champs dans des proportions telles que le problème économique fondamental est devenu celui de l’organisation des achats plutôt que la stimulation de la production.

La Dépression actuelle a foncièrement quelque chose d’une ironie amère : des millions de personnes sont privées de conditions de vie satisfaisantes alors que les surplus encombrent les greniers et les entrepôts du monde entier ; et les prix sont tellement en dessous de leur niveau habituel qu’il ne serait plus attractif, ni rentable, de se remettre à produire.

Polygones:post

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Le Kazakhstan est immense : neuvième plus grand pays du monde avec des steppes très peu peuplées. Ce sont les raisons principales, martelées comme des excuses, de l’implantation des polygones dans cette ancienne république soviétique. Au sud de Semipalatinsk, le long du lac Balkhach, la deuxième plus grande étendue d’eau du Kazakhstan, se trouve le polygone de Sary Shagan et son ancienne ville fermée : Priozersk. À l’image d’autres polygones comme celui de Semipalatinsk ou de Baïkonour, le polygone de Sary Shagan s’étend sur des milliers de kilomètres carrés.

Loving versus Virginia:post

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Une nuit de juin 1958, Richard Perry Loving et sa femme Mildred dorment paisiblement dans leur maison près de Bowling Green en Virginie quand, soudain, sans sommation, le shérif du comté, sur dénonciation anonyme, fracture la porte et les arrête au beau milieu de la nuit. Leur crime ? Richard Loving est blanc, Mildred Loving, née Jeter, est noire d’origine cherokee. Tous deux amoureux, ils se sont mariés cinq semaines plus tôt, dans l’État voisin de Washington, dans le district de Columbia, en dépit de la loi interdisant les mariages mixtes dans l’Etat de Virginie. Les époux Loving plaident coupable et sont condamnés à vingt-cinq ans de prison pour violation de la loi de Virginie et forfaiture, condamnation avec sursis à condition qu’ils quittent immédiatement l’Etat. Non pas par activisme politique mais par la simple volonté de faire respecter leur droit individuel, les bien nommés époux Loving se lancent dans une odyssée judiciaire de neuf interminables années, qui va les mener devant la Cour suprême des Etats-Unis à Washington où ils “baptiseront” de leur nom l’un des arrêts pivots de l’histoire américaine récente : “Loving versus Virginia”. Au cœur de l’affaire, une histoire d’amour.

Qui l’encre, qui le texte ?:post

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C’est un souvenir imprécis.

Vue frontale. Noir et blanc. Un homme est assis derrière une table. C’est un film. Sur la table, un encrier, du papier, une plume. Il trempe la plume dans l’encrier. Il écrit. Quoi ? Je ne sais plus. Ni même si le spectateur le sait.

Il écrit. Aucun doute là-dessus. Dans mon souvenir, on voit la plume diviser la feuille en boucles d’écriture. En gros plan. Macrophotographie. Ou pas tout de suite ? Ce n’est pas à exclure. La caméra nous laisse peut-être attendre avant de s’approcher. Peut-être aussi passe-t-elle parfois derrière lui avant de s’en retourner de face. Ou bien rien ne bouge. C’est très possible. Je dirais que c’est un plan séquence, à moins que le temps ne m’ait gommé le montage. Ce souvenir a vingt ans. Incapable de me rappeler si l’on peut lire ou non ce qu’il écrit. Ça changerait peut-être tout. Peut-être écrit-il des mots venant exactement contredire les miens.

Le théâtre des opérations:post

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L’air a porté notre avion jusqu’à une nouvelle mission. Dehors, l’appareil tiède qui vient d’atterrir, ce n’est pas la chaleur du réacteur, mais le désert ! Au nord la Libye, à l’est le Darfour. Partout le vide, bouché par un air étouffant, un air de vacances au bord de la guerre… Alors bois, photographe ! Bois avant que le désert ne te mange. Et couvre ton Nikon bientôt bouillant ! Déjà trop tard quand tu as soif !

Mobutu Zone:post

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La route est déserte, l’endroit loin de tout. Je commence à regretter la horde de fonctionnaires qui me traquait jusque-là, à l’aéroport. Mauvaise couleur du carnet de vaccination, ordre de mission corné, tampon d’un improbable ministre du Voyage… leur inventivité dans l’art du racket m’éblouit. La rage impuissante de mes débuts en RDC s’est évanouie avec la connaissance du pays, de sa corruption endémique érigée en système par un État démissionnaire.

Boris:post

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Mon avion s’était posé de nuit, dans une ville vaste où sautaient de petits feux d’artifices : Moscou. Puis la route, le défilé des réverbères, des barres d’immeubles et des hypermarchés cyrillisés – Ашан, Леруа Мерлeн, Икеа – et par le hublot du marchroutka ma nausée naquît : même la nuit, la ville freine et crie ! Une fois rendu, je payais le chauffeur asiate et passais de l’air vicié du dedans à celui vicié du dehors : Moscou : grands tunnels et petits kiosques, Escalators tièdes et mocassins beiges, longues jambes remontant sous des jupes courtes, églises pour touristes impatients d’en sortir, expatriés immodestes et clodos au sourire métallique qui lancent aux plus riches qu’eux : “Elle est contente, la merde ? Oh oui ! Elle a l’air contente !”… De tous les hommes, les Russes sont vraiment les plus étranges et les moins étrangers… Rien n’avait trop changé. Je n’avais donc pas tout à fait raté l’époque qui m’intéressait, et par chance ma nausée semblait bien moindre que celle de cette ville, que le reste du pays ne cherchait même pas à calmer… Moscou – Russie – j’étais perméable à ce pays.

Echolilia:post

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D’un travail photographique clinique, les séances évoluent vers une authentique collaboration artistique entre un artiste et son modèle qui n’est autre que son propre fils, de surcroît absent. Cette relation dure trois ans. Et donne à voir, en ligne de mire, un monde ritualisé, le monde d’Elijah, répétitif et plein de poésie.

Farm Security Administration:post

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P our décrire la démarche à l’œuvre dans Témoignage, États-Unis, l’auteur Charles Reznikoff citait cette phrase d’un poète chinois du XIe siècle : “La poésie présente l’objet afin de susciter la sensation. Elle doit être très précise sur l’objet et réticente sur l’émotion.” Rien n’est moins vrai dans cet ensemble de photographies de la Farm Security Administration : l’objet précis, la sensation prégnante, l’émotion à distance. Affleure par-delà les visages, la voix des humbles, par-delà les routes désertes ou les paysages désolés l’Amérique des laissés-pour-compte. Un sondage d’images recueilli non par une armée d’administrateurs zélés mais par une bande de photographes dispersés aux quatre vents à la recherche de l’image juste.

At(H)ome:post

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Ce récit photographique raconte un événement dont on devine la trame en filigrane. Les témoignages seuls justifient l’image. Il n’y a pas de fil narratif. Ce n’est pas une pérégrination non plus. Les lieux photographiés ne sont pas innocents et ne relèvent pas du hasard. Ce travail pointe également le rétrécissement des territoires sur lesquels peut s’aventurer l’être humain. Le photographe sud-africain Santu Mofokeng dans Chasing Shadows en 1996 disait des lieux portant encore la mémoire de l’Apartheid :

“Je pourrais reprocher à mon père et à ma mère d’être responsables de mon obsession pour le sens et l’utilité des choses, et le fait que je trouve peu satisfaisante la beauté sans la vérité. Il nous arrive de protester, mais bien souvent nous sommes complices.”

Chury:post

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Deux engins, quatre appareils

Nous avions le souhait de laisser place à un travail photographique d’un genre particulier pour le portfolio de ce numéro. Non pas l’œuvre exposée d’un artiste, quoique, mais quelques clichés parvenus de l’espace, sur une comète au nom de 67P/Churyumov–Gerasimenko naviguant à cinq cents millions de kilomètres de la Terre. L’orbiteur Rosetta et l’atterrisseur Philae sont équipés de quatre appareils photographiques. Osiris, le premier, dont le nom réfère comme Rosetta à la culture égyptienne et correspond à l’acronyme de Optical, Spectroscopic, and Infrared Remote Imaging System, soit un système d’imagerie optique, spectroscopique et infrarouge à distance. Osiris est muni d’un appareil grand angle permettant de saisir des vues d’ensemble de la comète, ainsi que d’une longue focale saisissant des plans rapprochés.