L’Obsolescence programmée des objets

traducteur
Damien Aubel
illustrateur
Todd McLellan
L

Il y a près d’un siècle, la crise de 1929 ébranlait le monde. Face à l’échec patent de l’œuvre de l’analyse économique classique et de sa main invisible, l’interventionnisme d’Etat s’impose. Toutefois, le New Deal ne fait pas l’unanimité. Les thérapeutes du social s’agitent et redoublent d’imagination : pourquoi ne pas substituer l’Etat à la Nature elle-même ? D’après Bernard London, un riche courtier américain, “les miracles existent”. Et organiser l’obsolescence des objets qui nous entourent s’avère le meilleur moyen d’assurer notre salut.

La vision classique de l’économie reposait sur la croyance en une Nature avare de ses biens et sur l’idée que la race humaine était confrontée en permanence au spectre de la pénurie. L’économiste Malthus tirait la sonnette d’alarme dans un texte de 1798 : la hausse de la population qui, prédisait-il, serait largement supérieure aux gains de la production de denrées comestibles, appauvrirait notre race.

Cependant, la technologie moderne et l’approche scientifique du commerce, cette véritable aventure de l’esprit, ont augmenté la productivité des usines et des champs dans des proportions telles que le problème économique fondamental est devenu celui de l’organisation des achats plutôt que la stimulation de la production.

La Dépression actuelle a foncièrement quelque chose d’une ironie amère : des millions de personnes sont privées de conditions de vie satisfaisantes alors que les surplus encombrent les greniers et les entrepôts du monde entier ; et les prix sont tellement en dessous de leur niveau habituel qu’il ne serait plus attractif, ni rentable, de se remettre à produire.

Ce texte a paru pour la première fois en 1932.