Qui l’encre, qui le texte ?

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Qu’est-ce qui fait l’âme d’un pays ? Par quels mécanismes, magie ou mensonge se protège-t-il de l’anomie ? D’après le poète surréaliste belge Louis Scutenaire, “le meilleur ciment d’un peuple est la bêtise de ceux qui en font partie”. Évoquait-il la Belgique ? Frédéric Lecloux, qui l’a quittée voilà plus de dix ans, pose aujourd’hui un regard dubitatif sur ce royaume dont l’unité est menacée par une crise politique et identitaire. Amputée de son sens de l’autodérision, de toute poésie, qu’adviendra-t-il de la Belgique ?

C’est un souvenir imprécis.

Vue frontale. Noir et blanc. Un homme est assis derrière une table. C’est un film. Sur la table, un encrier, du papier, une plume. Il trempe la plume dans l’encrier. Il écrit. Quoi ? Je ne sais plus. Ni même si le spectateur le sait.

Il écrit. Aucun doute là-dessus. Dans mon souvenir, on voit la plume diviser la feuille en boucles d’écriture. En gros plan. Macrophotographie. Ou pas tout de suite ? Ce n’est pas à exclure. La caméra nous laisse peut-être attendre avant de s’approcher. Peut-être aussi passe-t-elle parfois derrière lui avant de s’en retourner de face. Ou bien rien ne bouge. C’est très possible. Je dirais que c’est un plan séquence, à moins que le temps ne m’ait gommé le montage. Ce souvenir a vingt ans. Incapable de me rappeler si l’on peut lire ou non ce qu’il écrit. Ça changerait peut-être tout. Peut-être écrit-il des mots venant exactement contredire les miens.

Qui l’encre, qui le texte ? ” est un texte inédit. © Feuilleton, 2013 / Photos © Frédéric Lecloux