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Bondissant de joie et de fureur:post

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Le ciel est dégagé ce matin du 2 février 1965 – un mardi – quand Jean Borotra prend ses raquettes sous le bras et rentre au vestiaire pour se changer. À onze heures, il a rendez-vous au cœur des beaux quartiers. A-t-il déjà vu l’éditorial à la une de L’Équipe “Le tennis refait surface” ? Peut-être. Mais le coup de grisou à la fosse numéro 7 des mines d’avion a éclaté trop tard dans la nuit pour que Le Figaro le rapporte et on ignore encore le nombre de mort – vingt et un – et d’orphelins – quarante et un si on compte seulement les enfants.

Borotra se rend à l’église Saint-Philippe-du-Roule pour les obsèques du général Weygand. La foule est d’autant plus dense que de Gaulle lui a refusé les honneurs militaires et religieux aux Invalides.

Revers et dérivées à Tornado Alley:post

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Quand je quittai la bourgade agraire enclose de l’Illinois où j’avais grandi pour, suivant les traces de mon père, faire mes études dans les montagnes du Berkshire, saillant blêmes dans l’ouest du Massachusetts, je me pris de passion pour les maths. Je commence à comprendre pourquoi. Les mathématiques niveau fac suscitent et subliment le mal du pays qui étreint l’étudiant débarqué du Midwest. J’avais grandi au milieu d’un espace vectoriel, quadrillé de lignes et de lignes en travers d’autres lignes – et, amples comme autant d’horizons, de vastes arcs géodynamiques, l’étrange tourbillon topographique par lequel s’écoule toute une étendue repassée par la glace, une terre qui vire et pivote sur son socle tectonique. L’aire qui s’étalait au-delà et en deçà de ces larges courbes à la jointure de la terre et du ciel, je pouvais en prendre le levé à vue d’œil bien avant de comprendre les infiniment petits comme des droits de passage, les intégrales comme des schémas. Faire des maths dans un établissement vallonné de l’est était comme un réveil ; démantelée, la mémoire était mise au jour. L’analyse était, littéralement, un jeu d’enfant.

Les Personnalités bien trempées du tennis:post

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Le mot “personnalité” et son pluriel me posent problème – ils me gênent – notamment dans des formules telles que “de nos jours, le tennis manque de personnalités” ou “le tennis a besoin d’une nouvelle star qui soit une vraie personnalité”. Cela dit, si, à l’avenir, on me permet d’utiliser ce terme entre guillemets et de l’employer comme exact synonyme d’une expression composée de trois syllabes, de neuf lettres, commençant par un t, se terminant par un l (et comprenant, dans cet ordre, les lettres intermédiaires suivantes : r, o, u, plus loin d, u, espace, c et encore un u), alors, dans ce cas, personnalité et moi allons bien nous entendre.

Du mur au rêve:post

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Il y avait jadis, dans le grand club parisien dont j’étais un des jeunes membres, un joueur au style merveilleux. Je le voyais en train de s’entraîner – au mur – des heures durant ou bien effectuant, tout aussi longuement, des séries de service sur un court annexe, et toujours en solitaire. S’il lui arrivait de s’entraîner avec quelques partenaires complaisants, m’avait-on prévenu, c’était à la condition expresse qu’on ne lui proposât jamais, au grand jamais, de compter les points. Comme il était nettement plus âgé que moi, je fus longtemps à hésiter avant de lui proposer mes services en tant que sparring partner, avide comme je l’étais de profiter du mimétisme de son style impeccable. Pourtant, je finis un jour par m’enhardir et fus alors surpris de l’affabilité avec laquelle il accueillit mon offre. Sans doute avait-il perçu d’emblée une affinité élective chez son admirateur. Nous commençâmes donc à nous entraîner de concert, perfectionnant nos gestes et nos tactiques des journées entières, glosant infiniment ensuite, dans les vestiaires – diagrammes à l’appui –, sur la réalisation éventuelle de nos “grandes espérances”.

Mes French, William Klein:post

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Entretien avec le photographe J’étais comme un gosse dans une pâtisserie la nuit.

Nous sommes rue de Médicis, vos fenêtres donnent sur le jardin du Luxembourg et ses courts de tennis.

J’ai joué là. J’avais un ami avec lequel je jouais deux fois par semaine. On se levait le matin, on regardait le temps dehors. On avait accès aussi à un court rue Brézin, dans le XIVe, en arrière-cour d’une maison bourgeoise. Il y avait là un tennis, qui appartenait au ministère de l’Agriculture. On pouvait jouer si on était membre. C’était formidable d’avoir son propre court… un court privé dans le XIVe. Et parfois, avec mon copain, mon partenaire, on y allait l’hiver, il y avait de la glace sur le court, qu’on devait casser pour pouvoir jouer. Mais on était vraiment obsédés.

J’étais en mission, Conversation avec Yannick Noah:post

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Quand nous nous sommes entretenus avec William Klein, nous lui avons montré des captures d’écran du documentaire The French dans lesquelles Arthur Ashe vous regarde jouer. Les voici (Yannick Noah les observe). Dans le regard d’Ashe, il y a un côté paternel, mais dans le bon sens du terme. Un côté bienveillant, sûr de vos performances. Et il dit : “Il va assurer.”

Si tu vois ça dans un film, tu te dis : c’est un peu too much. L’histoire parle d’un môme au Cameroun. À l’époque, je crois qu’il y a neuf courts dans tout le pays. Donc les probabilités pour que je joue au tennis, c’est juste zéro. Je me retrouve à jouer au tennis… bon. Les gosses n’ont pas accès aux courts donc on joue contre un mur. On n’a pas de raquettes, on s’en fabrique avec des planches en bois, des espèces d’énormes raquettes de ping-pong. Et sur la mienne, j’ai marqué au stylo “Arthur Ashe”. Et voilà, un jour, des professionnels américains arrivent au club à Yaoundé… complètement improbable. C’est improbable que ces mecs, en 1971, débarquent au tennis club de Yaoundé (Rires).