Feuilleton Nº

22

L’Afronaute zambien

En 1964, au plus fort de la guerre froide, alors que la Zambie vient de proclamer son indépendance, un instituteur lance un programme destiné à inscrire son pays dans la course à l’espace. Edward Mukuka Nkoloso ambitionne d’être le premier homme à poser le pied sur la Lune. Moqué pour ce que beaucoup considèrent comme une supercherie, le personnage fait figure, au mieux, d’idéaliste excentrique, au pire, d’“idiot du village”. Originaire du pays, Namwali Serpell a posé un autre regard sur le projet “Afronaut” et son instigateur fantasque qui rêvait de tutoyer les étoiles. Cette folle odyssée spatiale ne relèverait-elle pas de la satire ?

Extrait

Au plus fort de la guerre froide, un instituteur lança le programme spatial zambien avec une douzaine d’aspirants astronautes de moins de vingt ans. Méritait-il les moqueries dont il a fait l’objet ?

Mon pays est né le 24 octobre 1964. L’ancien protectorat britannique de Rhodésie du Nord, prenant son nouveau nom de grand fleuve Zambèze, serait désormais connu sous le nom de Zambie. Une semaine plus tard, le magazine Time publia un article qui s’intéressait au premier président de la nation, Kenneth David Kaunda, “fils d’un pasteur presbytérien et ancien instituteur, qui ne fume pas, ne boit pas, mais tâte volontiers de la guitare”, qui plaide pour une “neutralité positive” vis-à-vis de la guerre froide et pour une “société multiraciale” en Zambie. Un autre personnage apparaissait dans le dernier paragraphe de l’article.

Un éminent Zambien n’a pas pris part à l’euphorie générale. Il s’agit d’Edward Mukuka Nkoloso, un enseignant en sciences à l’école primaire, également directeur de l’Académie nationale zambienne des sciences, de recherches spatiales et de philosophie, qui a déclaré que les événements perturbaient son programme spatial dont l’ambition est de devancer les États-Unis et l’Union soviétique sur la Lune. Nkoloso entraîne d’ores et déjà douze astronautes zambiens, dont une plantureuse jeune fille de seize ans, en les faisant tourner autour d’un arbre dans un baril et en leur apprenant à marcher sur les mains, “la seule manière pour les humains de marcher sur la Lune”.