L'Entretien Nº

3

Jean-Luc Nancy

Quand nos yeux se touchent, fait-il jour ou fait-il nuit ?

Jean-Luc Nancy et Jacques Derrida

“Quand nos yeux se touchent, fait-il jour ou fait-il nuit ?”, cette question ouvre le premier chapitre du livre que Jacques Derrida consacre à son ami Jean-Luc Nancy, intitulé Le Toucher et publié chez Galilée en 2000.
Ce texte est une invitation à comprendre les différentes tonalités de l’oeuvre de Jean-Luc Nancy dont Jacques Derrida dit : « À l’avenir, on n’en finira plus de le lire et de le penser, de compter aussi avec lui. »
Jean-Luc Nancy est auteur d’une oeuvre majeure, à la fois dans le champ de la philosophie – L’Impératif catégorique, L’Oubli de la philosophie, Le Sens du monde, L’Expérience de la liberté et Vérité de la démocratie ; mais aussi dans le domaine de la littérature avec L’Intrus où il fait le récit de la greffe du cœur qu’il a subie.
Il est également poète, amoureux de l’art contemporain et analyste de la fragilité de notre démocratie.

Extrait

Comment avez-vous rencontré Jacques Derrida pour la première fois, dans quelles circonstances ?

JLN : Je l’ai rencontré, oui, physiquement, mais sans savoir encore… Je savais son nom mais je ne savais pas encore qui il était ou ce qu’il avait publié, il était à ce moment-là assistant de Ricœur, comme Levinas, et dans une sorte de séminaire que Ricœur faisait avec quelques étudiants en maîtrise, en doctorat et ses deux assistants, il y avait Derrida et Levinas. Depuis toujours je me rappelle que j’ai vu ce trio Ricœur Levinas Derrida – je n’ai même pas le souvenir qu’il ait parlé là, ni Levinas d’ailleurs, mais peut-être que oui, je ne sais pas. Je ne l’ai jamais eu en cours à la Sorbonne pour des raisons tout à fait contingentes, mais très vite ensuite j’ai lu ses premiers textes, et je dirais que la lecture des textes a déjà été quelque chose de l’ordre de la rencontre, sinon de l’homme, d’un caractère, d’un tempérament et d’une présence très forte et très contemporaine, c’est ça qui m’est toujours resté. Pour la première fois je me suis dit : ah, là il y a une pensée qui se fait aujourd’hui, qui pense aujourd’hui, qui est vraiment ma contemporaine.

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