L'Entretien Nº

3

Élisabeth de Fontenay

Les animaux, autres vivants

Jacques Derrida

Derrida publie chez Galilée en 2006 L’Animal que donc je suis. À l’époque, Élisabeth de Fontenay, auteur notamment des Figures juives de Marx (Galilée, 1973) et de Diderot ou le matérialisme enchanté (Grasset, 1981), dit qu’elle ne sait pas encore le lire ni l’entendre. Les hommes, écrit Jacques Derrida, « ce seraient d’abord des vivants qui se sont donné le mot pour parler d’une seule voix de l’animal et pour désigner en lui celui qui seul serait resté sans réponse, sans mot pour répondre ».
Élisabeth de Fontenay, philosophe, qui a signé le remarquable Silence des bêtes (Fayard, 1998), pense que Jacques Derrida a su saisir la finitude qui nous relie aux animaux et qu’il a fait oeuvre tout au long de son existence de prophète, de visionnaire et de questionneur de notre modernité.

Extrait

Lorsqu’on constate le territoire des langues de Jacques Derrida et qu’on regarde sa bibliographie on est saisi par le nombre de titres, par les différents registres. Avec la philosophie au centre comme manière de vivre et de comprendre le monde. Dans quel contexte avez-vous, avec Jacques Derrida et quelques autres, il y a bien longtemps, milité pour l’enseignement de la philosophie ?

EF : C’était un moment où l’enseignement de la philosophie était littéralement attaquée par un ministre qui voulait supprimer un certain nombre d’heures en terminale. Mais ce combat particulier s’est élargi pour nous à travers une revendication plus singulière, plus radicale, à savoir la volonté d’imposer un enseignement de la philosophie dans d’autres classes que la terminale. Ce fut un engagement très important du GREPH, Groupe de recherches et d’études de la philosophie, mais nous avons perdu la bataille, car l’inspection générale et le ministère n’ont pas voulu en entendre parler. Pour quelles raisons ? Derrida a très bien nommé par une question cette fin de non‑recevoir : « Qui a peur de la philosophie ? »

© Joel Robine / AFP