Desports Nº

9

Porter la flamme

illustrateur
Guillaume Chauchat

Tous les deux ans, le rituel est le même : à Olympie, sur les ruines du temple d’Héra et grâce aux seuls rayons du soleil, des femmes vêtues de tuniques blanches allument une torche qui s’apprête à traverser les continents – et même, parfois, la stratosphère –, portée en relais par d’anciens sportifs qui incarnent d’une façon ou d’une autre les idéaux olympiques. Le romancier Mathieu Larnaudie se penche sur l’âme d’une femme – et sur son genou blessé.

Extrait

Elle laissera son genou de côté. Les vibrations qui lui remontent le long des tibias à chaque foulée et viennent tirer sur sa rotule pour réveiller les ligaments jadis mâchés, endoloris et rompus, elle fera en sorte de ne pas y penser, de les occulter comme on détourne l’attention afin de substituer un petit plaisir anodin à un désagrément tenace, comme on remplace une passion par une autre. Elle tâchera de ne pas écouter son corps, ou alors seulement à la façon d’une mécanique régulière dont l’on guette la scansion, le rythme, la pulsation plutôt que le tumulte des matériaux qui grincent.