L'Entretien Nº

4

Patrick Boucheron

Continuer à s'étonner, s'indigner

Il a l’amour de l’histoire chevillé au corps et au coeur depuis l’enfance. Il est de ceux qui pensent que le présent ne peut se comprendre que par les racines de ce qui nous précède. Il ne plaide pas pour autant pour la célébration perpétuelle de notre passé qui encombre trop notre goût de l’avenir. Il a choisi le Moyen Âge comme territoire de recherche. Il s’est immergé pendant des années dans ses symboliques, ses stratégies, ses images, ses langages. Il nous les a décryptés en nous permettant de les rendre proches. Voilà, c’est ce qu’il fait : il rapproche.
Il nous offre, grâce à son érudition, le partage du sensible. Nous comprenons comme si nous avions vécu cette période de l’histoire. Ainsi nous parle-t-il de la peur à Sienne ou fait-il se rencontrer un vieil homme du nom de Léonard de Vinci et un jeune secrétaire de chancellerie, Nicolas Machiavel. Qu’ont-ils bien pu se dire en 1502 ? Patrick Boucheron se saisit de la discipline de l’histoire pour l’élargir à des champs comme le politique, le sociétal, l’international. Citoyen engagé, il n’intervient pas comme acteur mais là aussi comme décrypteur de notre modernité. Ainsi a-t-il imaginé son dernier opus, collectif qu’il a coordonné, l’Histoire mondiale de la France, grand succès d’édition mais qui lui a valu des critiques de la part d’une partie de sa profession. L’histoire à tous les vents, l’histoire pour tous, c’est ce à quoi il aspire.

Extrait

Que peut l’histoire aujourd’hui ? Que peut l’histoire aujourd’hui ?

PB Cette interrogation un peu inquiète a donnéle titre de ma leçon inaugurale au Collège deFrance – titre que j’ai d’ailleurs longtempscherché, en vain. À ce moment-là, en décembre2015, on ne pouvait l’entendre qu’ainsi : quepeut encore l’histoire ou que peut-elle vraiment ?On y percevait une sorte de nuance, de retraitou en tout cas de réserve, parce qu’évidemmentla première idée consistait à dire qu’elle nepeut pas tout, qu’on ne peut pas charger leshistoriens d’une responsabilité trop écrasantequi serait de définir une vérité commune surle passé.

Crédit photo © Julien de Gasquet