Desports Nº

9

Les champions des Caraïbes

photographe
Mina Angela

Elle a quitté Cuba depuis longtemps, mais c’est à sa terre natale que la ramène inlassablement sa plume. En hommage à Teófilo Stevenson et à l’acharnement d’athlètes qui se livrent corps et âme à une discipline circonscrite pendant cinquante ans par le gouvernement cubain à une pratique en amateur, la romancière Karla Suárez nous offre un instantané de son île à travers le destin de ses boxeurs.

Extrait

J’ai grandi en entendant le nom de Teófilo Stevenson. Quand sonnait la cloche annonçant le premier round et que ce corps de quasi deux mètres commençait à sautiller, léger et élégant, comme si au lieu d’un super-lourd c’était un poids léger, les gens plantés devant leur téléviseur se mettaient à faire des pronostics sur le temps que son adversaire resterait debout. Stevenson bougeait la tête, lançait un poing, une feinte par-ci, un crochet par-là, et les gens s’écriaient, vas-y, cogne, mets-le ko ! L’autre nous paraissait presque toujours maladroit, même s’il ne l’était pas, parce que Stevenson se déplaçait comme s’il dansait, jusqu’à ce que soudain : bing ! L’adversaire se retrouvait au tapis et tandis que l’arbitre comptait les secondes avec ses doigts, les spectateurs se dressaient en hurlant : Ouais ! Et ils levaient les bras, comme le faisait sur l’écran, et avec son sourire bon enfant, notre boxeur étoile.