Feuilleton Nº

4

24 heures dans la vie d’une femme cubaine

illustrateur
Laure Fissore
À sa femme de ménage

“Nous nous battons pour le respect et le bonheur des hommes” clame une affiche de propagande érigée sur le bord d’une route cubaine, vestige d’une époque qui chantait la révolution. Depuis, le fossé entre les réalités du quotidien et les aspirations d’hier n’a cessé de se creuser. Un pouvoir arbitraire est venu combler ce vide, acculant la société à une économie de survie. Mais l’espoir subsiste. Karla Suárez dresse le portrait de cinq femmes puissantes qui, par leur obstination, résistent aux aberrations du régime.

Extrait

Après trois ans d’absence, je suis retournée à La Havane. La ville n’est pas très différente physiquement. Pourtant, quelque chose a changé. Des petits cafés privés prolifèrent à l’entrée des maisons, des vendeurs ambulants traînent des carrioles chargées de légumes, des écriteaux “À vendre” ont fait leur apparition sur les maisons et les voitures, des gens à bicyclette vendent des gâteaux à la criée.

Dans les années 1990, après la chute du bloc socialiste, Cuba est entré dans une profonde crise économique que le pays n’a pas encore réussi à surmonter. D’un côté, le blocus imposé par les États-Unis depuis 1962 – qui est encore en vigueur – sévissait, de l’autre, ne restait que le vide. Malgré un discours officiel inchangé (“le socialisme ou la mort”), ce furent des années pendant lesquelles la société et ses valeurs commencèrent à se modifier. Le gouvernement autorisa le travail à son propre compte, ouvrit le pays au tourisme et aux investissements étrangers, entreprit d’assouplir la politique migratoire – même si aujourd’hui encore cette réforme tant espérée se fait attendre –, et enfin ouvrit la voie à une double économie : celle du dollar et celle de la monnaie nationale.

24 horas en la vida de una mujer cubana”, traduit de l’espagnol (Cuba) par François Gaudry, est un texte inédit. © Feuilleton, 2012