Feuilleton Nº

21

D’Étranges bêtes

auteur
Ron Rash

À l’approche des fêtes de fin d’année, qui coïncident avec l’anniversaire d’un évènement douloureux survenu dans sa vie, Jake, professeur d’histoire de l’art en Caroline du Nord, est sollicité par une ancienne élève. Il s’agit d’examiner d’étranges peintures tapissant la chambre d’un proche, disparu depuis peu. Troublés par ces figures semblant relever du folk art, ils se lancent ensemble dans l’élucidation du mystère qui les entoure. Dans cette nouvelle inédite, Ron Rash évoque avec pudeur le chagrin, l’art et la consolation.  

Extrait

Il y avait chaque mois deux ou trois demandes par téléphone dans le genre de celle-ci. Quelqu’un avait acheté un Monet dans un vide-grenier à Weaverville, ou trouvé une urne grecque dans une remise à bois. Au bout du fil, un interlocuteur au cerveau dérangé prétendait avoir découvert les bras disparus de la Vénus de Milo. Certains le priaient d’estimer des tableaux d’art populaire dans l’espoir qu’un parent âgé s’avère être une Grandma Moses ou un Howard Finster. Quelques-uns débarquaient sans prévenir à la fac, leur trésor en main, aiguillés vers lui – l’unique professeur d’histoire de l’art de Brevard – par une réceptionniste ou un administrateur. Jake parvenait à convaincre la plupart d’entre eux de s’adresser plutôt à des musées ou des galeries, même si parfois, par curiosité personnelle ou à cause de leur insistance, il acceptait d’examiner ce qu’ils avaient. Du moins ces consultations satisfaisaient-elles l’exigence de rayonnement au niveau local de son département, et viendraient, l’année suivante, appuyer sa titularisation.