Feuilleton Nº

21

Cher, fastidieux, ennuyeux

LE JOURNALISME D’INVESTIGATION AMÉRICAIN LUTTE POUR SURVIVRE

Après un âge d’or long d’un demi-siècle, le journalisme d’investigation américain connaît dans les années 1990 une crise sans précédent. Avec l’explosion d’Internet, le modèle économique sur lequel prospérait la presse est frappé d’obsolescence. Quant au lectorat, il change ses habitudes et se détourne de ce format. Bien que promis à disparaître, des modèles alternatifs se font jour qui, semble-t-il, valent mieux que de simples répits. La presse d’investigation est morte ? Vive le journalisme d’investigation !

Extrait

Steve Coll a travaillé plus de vingt ans au Washington Post. Il a été reporter, éditeur, correspondant international et directeur de rédaction du journal. Auteur de six livres, il a remporté deux prix Pulitzer et il écrit sur la sécurité dans le magazine The New Yorker. Avec son visage rond et un reste de frange rousse qui résiste à la calvitie, à cinquante-deux ans Coll a l’air d’un enfant vieilli. “Si je débutais maintenant, je choisirais un autre métier”, dit-il, découragé, en feuilletant un numéro de Piauí dans la salle de réunion de la New American Fondation, dont il est le président. “Le type de journalisme que j’ai fait toute ma vie, avec de longs reportages d’investigation, de style narratif, est terminé.”

C’est en effet à une autre époque – dans la seconde moitié du XXe siècle – que le journalisme d’investigation américain a vécu son heure de gloire. En 1969, le reporter Seymour Hersch publie dans plus de trente journaux un reportage sur la dissimulation du massacre de centaines de civils par des soldats américains dans le village de My Lai, au Vietnam.