L'Entretien Nº

1

Anne Teresa De Keersmaeker

Le corps comme infinité de possibles

Anne Teresa De Keersmaeker est chorégraphe, danseuse, directrice d’école. Depuis plus de trente ans, elle a imposé une forme de danse à la fois offrande, expression de la beauté du monde, convulsions de l’être. Malgré la multiplicité de ses registres musicaux qui vont de Bach à Mahler en passant par Steve Reich et Brian Eno, elle a développé son style : plateau nu, lumière comme compagne avec maîtrise du clair-obscur, corps aguerris, invention de mouvements où la torsion sur et de soi-même ainsi que l’abandon sont des composantes récurrentes, musiciens souvent sur le plateau…

Extrait

Quand, dans votre enfance, avez-vous compris que vous pouviez danser ?

ATDK :  J’ai commencé la danse autour de sept, huit ans. Mon père était fermier ; ma mère, institutrice. Nous faisions de la musique, mais ma famille n’avait pas une culture de la danse. J’ai passé plus de temps dans les champs, sur les tracteurs, que dans des concerts de musique ou des spectacles de danse. Ma mère, quand je lui ai dit que je voulais faire de la danse – c’était le temps des grands ballets du xxe siècle de Maurice Béjart, on habitait tout près de Bruxelles, et les images des danseurs étaient très présentes à la télévision – a été très réceptive. Après m’avoir conduite trois ou quatre fois à un cours de danse dans un village voisin, elle a décidé d’organiser un cours de danse dans le village. Et là, j’ai eu la chance d’avoir une toute jeune professeur de danse, extrêmement inspirante pour les enfants, qui donnait des cours de danse classique, mais aussi de danse jazz contemporaine, qui nous amenait voir des spectacles – Félix Blaska, Maurice Béjart, le ballet de Flandres – et qui faisait des spectacles avec nous. En même temps je suivais des cours de musique, comme beaucoup d’enfants.

Photo : © Anne Van Aerschot