Quatre centimètres de gloire

traducteur
Natalie Beunat
illustrateur
Marketa Michalkova

Hollywood et les médias américains raffolent des faits divers mettant en scène des anonymes qui, confrontés à une situation imprévue, se dépassent et embrassent la figure du sauveur. Le courage et l’altruisme en font des héros qui s’attirent une certaine notoriété, parfois difficile à porter car beaucoup ont le besoin secret d’être secourus eux-mêmes. Earl Parish, le personnage de cette nouvelle inédite de Dashiell Hammett, est l’un d’entre eux. Ou comment se départir de la pernicieuse rançon de la gloire.

De fines volutes de fumée s’échappaient lentement par la porte ouverte du bâtiment et par une fenêtre au premier, ouverte elle aussi, avant de se dissiper dans l’air. Au-dessus, au second étage, le visage d’un enfant – très jeune et apparemment juché sur la pointe des pieds – était plaqué contre la vitre. Ses traits trahissaient la perplexité, mais pas la peur. L’homme à gauche d’Earl Parish l’aperçut en premier.

“Hé ! cria-t-il en le montrant du doigt, y a un gosse là-haut !”

Les autres levèrent le nez et répétèrent : “Y a un gosse là-haut.”

“On a donné l’alarme ? demanda un quidam qui venait de surgir sur les lieux.

— Oui, répondirent en chœur plusieurs voix, et l’une d’elles d’ajouter : les camions de pompiers devraient arriver d’une minute à l’autre.”

L’homme qui avait repéré l’enfant fit l’éloge de sa propre découverte.

“Il est drôlement bien ce gamin, il pleure pas, ni rien.

— Si ça se trouve, il se rend même pas compte de la situation.

— Les pompiers seront là dans une seconde. Ça servirait à rien d’essayer
d’intervenir. Avec leur échelle et tout le bazar, ils le sortiront de là bien
plus vite que nous.”

An Inch and a Half of Glory traduit de l’anglais (États-Unis) par Natalie Beunat, a paru pour la première fois dans le New Yorker en juin 2013. © The Dashiell Hammett Literary Trust c/o.