Opération delirium

Opération delirium

En pleine guerre froide, au sein de la base d’Edgewood, située dans l’État du Maryland, des armes chimiques ont été testées dans le cadre d’un programme élaboré sous la conduite de l’armée américaine. Les expériences, réalisées sur près de cinq mille soldats, visent à évaluer les effets que produisent certaines substances neurotoxiques – LSD, sarin ou encore gaz BZ –, sur le comportement et le cerveau des cobayes. Des années plus tard, l’éthique de ces pratiques médicales se voit sévèrement remise en question…

Le colonel James S. Ketchum rêvait d’une guerre sans victimes. Engagé dans l’armée en 1956, il l’a quittée en 1976. Durant ces vingt années, il ne s’est pas battu au Vietnam, n’a pas envahi la baie des Cochons, ni protégé l’Europe de l’Ouest à bord d’un tank, ou aidé à bâtir un site de lancement d’armes nucléaires sous l’Arctique. En pleine guerre froide, il a pris les commandes d’une expérimentation militaire top secrète. L’objectif : neutraliser l’ennemi à coups de nuages toxiques provoquant temporairement “un dysfonctionnement sélectif de la machine humaine”, pour reprendre les termes d’un officier haut gradé. Pendant près de dix ans, Ketchum, psychiatre de formation, a travaillé avec la certitude que les armes chimiques étaient moins barbares que les balles et les obus – du moins essayait-il de s’en persuader. Afin de rendre son rêve réalité, il expérimentait sans relâche au fin fond d’un complexe militaire isolé, testant des armes chimiques sur plusieurs centaines de soldats en parfaite santé tout en se persuadant du bien-fondé de la chose.

Operation Delirium a été traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Cohen. Le texte a paru pour la première fois dans le New Yorker en décembre 2012. © Raffi Khatchadourian, 2012