Video games

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Video games

Tom Bissell, jeune écrivain américain prometteur, entra du jour au lendemain dans une période de sécheresse créative. Plaisir de lire et nécessité d’écrire l’abandonnèrent à mesure que le jeu vidéo Grand Theft Auto, qu’il venait de découvrir, accroissait son emprise sur lui. Trois années s’écoulèrent durant lesquelles l’addiction au cocktail jeu / cocaïne lui sembla le seul mode de connexion au monde à privilégier. Eprouva-t-il le sentiment de s’être égaré ? Certainement pas. Des regrets ? Encore moins.

Il fut un temps où j’écrivais le matin, où j’allais courir en fin d’après-midi et où je passais la plupart de mes soirées à lire. Il fut un temps où je qualifiais d’improductifs ces jours où j’étais parvenu à ne rédiger qu’un millier de mots. Il fut un temps où je jouais aux jeux vidéo presque exclusivement avec des amis. Il fut un temps où il m’arrivait occasionnellement de jouer à en perdre la raison mais cela se produisait rarement plus d’une fois par mois. Il fut un temps où j’étais plus ou moins content.

Ce temps renvoie à des années relativement récentes (2001-2006), au cours desquelles j’ai écrit plusieurs livres et publié plus de cinquante articles de reportage ou de critique – un rendement total de, grosso modo, quatre mille cinq cents pages manuscrites. Je me suis rarement senti très discipliné pendant ces cinq années, même si cette confession, j’en suis conscient, permet toutes sortes d’attaques quant à mon éventuel manque de sincérité. Bien évidemment, j’étais discipliné. Ces derniers temps, au fil de l’année, j’ ai lu du début à la fin exactement deux ouvrages de fiction – à part ceux dont je rédigeais aussi la critique. Ces derniers temps, je joue aux jeux vidéo le matin, je joue aux jeux vidéo l’après-midi et je passe mes soirées à jouer aux jeux vidéo. Ces derniers temps, j’arrive encore à écrire mais les jours où je suis capable de le faire pendant plus de trois heures d’affilée sont aussi fréquents que les comètes dont la trajectoire approche la Terre.

Video games: the addiction” a été traduit de l’anglais (États-Unis) par Camille de Chevigny. Il a paru pour la première fois dans The Guardian en mars 2010. © Tom Bissell, 2010