Vers Prague, et retour

Vers Prague, et retour

Vers la fin du XIXe siècle, l’Europe centrale voit éclore une génération d’intellectuels juifs dont l’inventivité et l’œuvre atypique marquent durablement le monde moderne. Prague est le théâtre privilégié de ce bouillonnement culturel, héritier d’une tradition locale vieille du XIe siècle. En visite dans la capitale de Bohême, l’écrivain israélien Aharon Appelfeld ravive l’histoire d’une ville que la Seconde Guerre mondiale et la patrimonialisation marchande ont condamnée au mutisme.

Prague est l’une des villes de mon enfance. Je m’y suis rendu une fois à l’âge de six ans, en 1938. La terreur face à ce qui était sur le point d’advenir était partout palpable mais nous étions encore libres. Nous voyagions encore en première classe et mon père m’avait promis de m’acheter un train électrique à Prague.
Je me souviens du train de nuit que nous prîmes, mes parents et moi, de la délicate senteur de savon dans les toilettes, des couchettes longues et étroites et de la douce obscurité du mois de mai. J’ignorais encore, bien sûr, que ce voyage serait le dernier avec mes parents, que bientôt je serais seul, sans eux.

El Prag, ve Hazara” a été traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti. Une première version adaptée sous le titre The Kafka Connection a paru dans le New Yorker en juillet 2001. La présente traduction reprend le brouillon original de l’auteur. © Aharon Appelfeld, 2001