Une saison de polo

Une saison de polo

Le polo argentin règne sans partage depuis plus d’un siècle sur une discipline sportive qu’il domine mondialement. Bien plus qu’un sport en vogue, le polo est devenu un business florissant en Argentine, où sont élevés les meilleurs chevaux de la planète. Le gotha du monde entier, en quête de distinction, se presse dans les stages organisés par les clubs du pays où l’entre-soi est recherché et valorisé. Les vocations soudaines des Gringos sont lucratives mais ne font pas illusion. Car la culture du polo n’a rien de démocratique.

Les bonnes juments n’oublient jamais. Une fois qu’elles ont tout appris : à galoper sur le bon pied, à s’arrêter à temps, à être pleines d’allant mais néanmoins obéissantes, à se laisser monter avec élégance… Les années ont beau passer, elles savent se comporter comme il se doit. C’est pourquoi, dans l’univers du polo, les bonnes juments sont sacrées. Absolument sacrées.

On les bichonne, on les coiffe comme des courtisanes mais on ne les laisse pas s’accoupler, surtout pas au petit bonheur. Chaque mois, avec une ponctualité toute biologique, un groupe d’experts leur ponctionne un ovule qui est ensuite fécondé in vitro avec les spermatozoïdes d’un étalon. L’ embryon, lui non plus, ne leur revient pas. Il est implanté dans un ventre de substitution chargé de mener à bien la gestation. À ce stade, la valeur de l’embryon atteint déjà cinquante mille dollars.

Temporada de polo”, traduit de l’espagnol (Argentine) par Christine Bourdier, a paru pour la première fois dans Revista C., en octobre 2008. © Josefina Licitra, 2008