Splendeur de l’obsession

illustrateur
Matthias Arégui
Splendeur de l

Janvier 1942. À peine termine-t-il le tournage de La Splendeur des Amberson que Orson Welles part pour Rio travailler à un nouveau projet. Agacée par l’échec commercial de Citizen Kane, la R.K.O. – Hollywood profite de l’absence du réalisateur pour finaliser le montage du film et programmer sa sortie. Cuts sauvages, scènes tournées à nouveau : le film est mutilé. Soixante-dix ans après, la version originale – à l’existence hypothétique – est recherchée tel le Saint Graal par les cinéphiles. Retour sur la réalisation-destruction d’un film devenu mythique.

Il semble plutôt que leur statut tragique de films “disparus” vient du fait qu’ils n’existent que sous une forme tronquée, expurgée, ayant été arrachés des mains de leurs réalisateurs visionnaires par des fonctionnaires de studio qui étaient trop lâches et obsédés par les profits financiers pour accorder à ces cinéastes une certaine marge auteuriste. Comme ils sont tous deux très antérieurs à l’époque de préservation des films considérés comme des œuvres d’art et un héritage précieux – Les Rapaces sont sortis en 1925, La Splendeur des Amberson en 1942 –, ils ont souffert l’indignité supplémentaire de ne pas pouvoir être restaurés ; à cette époque, les studios ne conservaient pas les séquences coupées, en pensant aux futurs director’s cuts des D.V.D., si bien que les copies nitrate tirées et retirées à partir des versions originales étaient – en fonction du film dont on parle, et du récit auquel on croit – brûlées, jetées à la poubelle, balancées dans le Pacifique, ou tout simplement abandonnées dans des caves où elles se décomposaient. Des deux sagas, La Splendeur des Amberson constitue le cas de figure le plus horriblement violent.

Ce texte a paru pour la première fois dans Vanity Fair en janvier 2002. © David Kamp, 2002