Pianococktail

illustrateur
Aleksi Cavaillez
Pianococktail

Écrivain, trompettiste, qui mieux que Boris Vian pour nous présenter la recette de ce numéro musical. Amateur de jazz et de mots-valises, le pianococktail reste une invention lumineuse et un rêve pour grands enfants. “À chaque note, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate”, explique Colin à Chick. Qui n’a pas rêvé de commander, accoudé au comptoir d’un bar d’hôtel, un verre aux saveurs mélodiques ?

“Prendras-tu un apéritif ? demanda Colin. Mon pianococktail est achevé, tu pourrais l’essayer.

— Il marche ? demanda Chick.

— Parfaitement. J’ai eu du mal à le mettre au point, mais le résultat dépasse mes espérances. J’ai obtenu, à partir de la Black and Tan Fantasy, un mélange vraiment ahurissant.

— Quel est ton principe ? demanda Chick.

— À chaque note, dit Colin, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l’œuf battu et la pédale faible à la glace. Pour l’eau de Selbtz, il faut un trille dans le registre aigu. Les quantités sont en raison directe de la durée : à la quadruple croche équivaut le seizième d’unité, à la noire l’unité, à la ronde le quadruple unité. Lorsque l’on joue un air lent, un système de registre est mis en action, de façon que la dose ne soit pas augmentée – ce qui donnerait un cocktail trop abondant – mais la teneur en alcool. Et, suivant la durée de l’air, on peut, si l’on veut, faire varier la valeur de l’unité, la réduisant, par exemple au centième, pour pouvoir obtenir une boisson tenant compte de toutes les harmonies au moyen d’un réglage latéral.

© L’Écume des jours de Boris Vian

© Société Nouvelle des éditions Pauvert
1979, 1996 et 1998

© Librairie Arthème Fayard, 1999
pour l’édition en œuvres complètes.