Dream a lithium dream

traducteur
Marianne Véron
illustrateur
Marrel
Dream a lithium dream

La Bolivie est une terre de convoitise. Au XVIe siècle, la découverte du Cerro Rico précipita l’arrivée des colons espagnols qui extirpèrent l’argent de ce mont pour nourrir le faste de leur empire. Aujourd’hui, c’est le Salar de Uyuni qui suscite le rêve. Non par la beauté lunaire de son paysage, mais parce que ses eaux troubles regorgent de lithium. Le président Morales souhaiterait que l’exploitation de ce métal, indispensable à la production des technologies de demain, profite à son pays. Mais de multiples obstacles restent à franchir.

Il y a, dans le sud de la Bolivie, une montagne baptisée Cerro Ricco – “montagne opulente”. C’est un rocher pâle et chauve, traversé d’étroites routes de terre qui s’entrecroisent comme des lacets. Plus de quatre mille tunnels miniers en ont si minutieusement grignoté l’intérieur que la montagne court le risque de s’effondrer. Les taudis agglomérés autour de sa base se répandent jusque dans la ville ancienne de Potosí, classée au patrimoine mondial de l’humanité. Evo Morales, président de la Bolivie, m’a dit récemment que ses compatriotes et lui-même considèrent Potosí comme un symbole de “pillage, d’exploitation, et d’humiliation”. Cette ville représente une Bolivie qui aurait pu exister : un pays qui aurait capitalisé sur son extraordinaire richesse en minerais pour devenir une grande puissance industrielle. Cette Bolivie-là aurait facilement pu s’imaginer en 1611, quand Potosí était l’une des plus grandes villes du monde, avec cent quatre-vingt mille habitants – à peu près comme Londres à la même époque. Bien que Potosí ait connu des débuts de ville minière, avec les bars et les salles de jeux qui accompagnent les hommes aux frontières, elle ne tarda pas à s’enrichir d’églises et de théâtres somptueux et d’une bonne douzaine d’académies de danse. Du milieu du XVIe siècle au milieu du XVIIe, l’argent produit dans le Nouveau Monde provenait pour moitié de Cerro Rico. L’historien Carlos Mesa, qui fut président de la Bolivie de 2003 à 2005, m’a dit : “Pendant toute la durée de l’Empire espagnol, on disait : ‘C’est un vrai Potosí’ pour évoquer la chance ou la richesse.” Aujourd’hui, Potosí est un des endroits les plus pauvres d’un pays qui a longtemps été un des plus pauvres d’Amérique latine.

Lithium Dreams”, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marianne Véron, a paru pour la première fois dans le New Yorker, en mars 2010. © Lawrence Wright, 2010