Dementia pugilistica

Dementia pugilistica

Comme toute industrie, la boxe se nourrit autant de ses champions que de ses perdants. Sparring partner, figurants, losers magnifiques, outsiders, tomato can, laissés-pour compte, une autre histoire du noble art se dessine à travers ses gueules cassées. “Seul sait vaincre celui qui ne gagne jamais”, écrit Fernando Pessoa. Sondant ce paradoxe, Frédéric Roux, à mille lieux du commentaire sportif, convoque l’ombre de la gloire.

Heureux les grands vaincus

Les rois désabusés.


Charles Péguy

Tant que je suis resté invaincu, je n’ai rien compris à la boxe et pas grand-chose au reste. N’avoir jamais perdu, c’est ne rien comprendre à ce qui se passe entre les cordes ni en dehors du ring, c’est croire que l’on peut aimer sans jamais avoir été trompé, jouir sans souffrir, être vivant sans risquer mourir. C’est être innocent. Ne rien savoir de soi, des autres et de la réalité. Être puceau. On est puceau de la défaite comme on l’est de la volupté.