Au comptoir de “Matonville”

auteur
Guillaume Pajot
illustrateur
Yann Kebbi
Au comptoir de “Matonville”

Laurent travaille à Fleury-Mérogis, dans un quartier surnommé “Matonville”. Surveillants et familles de détenus se croisent dans sa boutique où ils achètent la presse people, des magazines de faits divers, des livres. Lui essaie de faire oublier son encombrante voisine, la plus grande prison d’Europe.

Le chauffeur de taxi ne veut pas l’emmener. “Vous vous trompez, assure-t-il. Il n’y a rien à cet endroit !” L’adresse indiquée est pourtant la bonne. Elle conduit à Fleury-Mérogis, située au nord de l’Essonne, où une gigantesque prison est en train de sortir de terre. En cette année 1967, le chantier s’achève. À quelques centaines de mètres, un lotissement neuf s’apprête à accueillir les surveillants pénitentiaires et leur famille. L’anecdote du taxi récalcitrant est racontée par l’une des premières habitantes du quartier. Son adresse, nommée “les Résidences”, n’est encore qu’un champ de boue au pied des tours bâties en urgence pour établir les fonctionnaires. Certains d’entre eux, faute d’appartements viables, dorment dans la maison d’arrêt voisine. En attendant que les chemins soient goudronnés, le facteur vient muni de bottes.

Au comptoir de Matonville est un texte inédit. © Feuilleton, 2014.