Feuilleton Nº

6

Une belle mort

Stratégies de repli

Une belle mort

Bouleversé par le décès de son père, après de longues souffrances, William T. Vollmann se demande comment appréhender, au crépuscule de la vie, l’instant de sa mort. Comment, au moment fatidique, beauté et sérénité peuvent-elles avoir raison du tragique et de l’agonie ? Allant à la rencontre des personnes qui entretiennent un rapport familier avec les mourants – médecins, clergés de confessions diverses ou simples quidams – l’ écrivain tente d’apprivoiser ce qui demeure pour lui un mystère. Peut-on choisir sa propre mort ?

Extrait

Récemment, mon père décéda d’un lymphome T. Bien que sa mort n’ait pas été aussi effrayante que certaines de celles auxquelles j’avais assisté, ou dont j’avais lu le récit, elle ne fut pas facile non plus. Cet homme courageux, qui toute sa vie durant ne s’était plaint que rarement, éprouva pendant des mois des douleurs et, j’imagine, des craintes (bien qu’il n’en parlât jamais) dues au chagrin, à l’épuisement et aux faux espoirs. Puis la véritable horreur commença. La dernière fois que je le vis sur ses pieds, par une journée d’hiver nuageuse, nous allâmes marcher ensemble, et il nous fit traverser un petit cimetière. Il me dit qu’il n’avait pas peur de la mort. Il avait la chance d’avoir de bons médecins et de bons amis. Et la chance, pensait-il, d’habiter en Suisse, qui autorise le suicide assisté. Malheureusement, il n’avait pas préalablement signé le formulaire approprié, si bien que quand l’heure vint, l’organisation sur laquelle il comptait ne put lui venir en aide. Je n’oublierai jamais le coup de fil désespéré que ma sœur donna à l’association ; d’abord elle plaida, puis elle renonça. Pas plus que je n’oublierai, bien sûr, le dimanche où j’arrivai au chevet de son lit de mort, quand cette âme stoïque, larmes aux yeux, dit au médecin : “Je veux mourir aujourd’hui.” Mais il ne le pouvait pas.

A Good Death” a été traduit de l’anglais (États-Unis) par l’opération du Saint-Esprit. Il a paru pour la première fois dans Harper’s Magazine en novembre 2010. © 2010 by Harper’s Magazine. All rights reserved