Feuilleton Nº

20

The Chelsea affect

The Chelsea affect

I remember you well / In the Chelsea Hotel” chantait Leonard Cohen en souvenir d’une nuit passée en compagnie de Janis Joplin dans ce haut lieu de la contre-culture américaine, une cour des miracles où ont séjourné maints artistes mythiques du XXe siècle. Après sa rupture avec Marilyn Monroe, Arthur Miller y a lui-même trouvé refuge. L’air qui en émane est chargé d’une liberté qui confine parfois à la folie.

Extrait

J’ai fait le choix de m’installer au Chelsea en 1960, attiré par sa promesse d’anonymat. Il avait tout du lieu merveilleusement insolite, limite taudis, où personne ne risquait de me trouver. C’était peu de temps après ma séparation avec Marilyn et une certaine presse me pourchassait encore parfois, en quête de merde sous couvert de compassion. Une amie, qui deviendrait par la suite ma femme, avait fait les photos d’un livre sur Venise de Mary McCarthy, et celle-ci m’avait recommandé le Chelsea comme un hôtel à la fois très abordable et correct. (Évidemment, Mary détestait mes écrits, mais peu importe.) L’amie en question, Inge Morath, qui vivait à Paris, y avait brièvement séjourné plusieurs fois quand elle venait travailler aux États-Unis ; elle l’avait trouvé, bien que miteux, d’une grande simplicité, pour employer un euphémisme. “Personne ne viendra t’importuner là-bas”, m’assura-t-elle.

“The Chelsea Affect” d’Arthur Miller a été traduit de l’anglais (États-Unis) par Claire Debru. Le texte a paru pour la première fois dans Granta en juin 2002. © Arthur Miller, 2002, used by permission of The Wylie Agency (UK) Limited.