Desports Nº

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Revers et dérivées à Tornado Alley

Revers et dérivées à Tornado Alley

Les vents forts soufflant de secteur sud/sud-ouest sur les courts de tennis de sa jeunesse, Foster Wallace a su en faire ses meilleurs alliés. Génie des maths, il va compenser ses médiocres aptitudes physiques par son intelligence géométrique, et le potentiel éolien du Midwest. Calculer les angles de rebond, et les rebonds de ces angles en fonction du vent mollissant… Tout pour éviter les hectopascals des dépressions qui guettent.

Extrait

Quand je quittai la bourgade agraire enclose de l’Illinois où j’avais grandi pour, suivant les traces de mon père, faire mes études dans les montagnes du Berkshire, saillant blêmes dans l’ouest du Massachusetts, je me pris de passion pour les maths. Je commence à comprendre pourquoi. Les mathématiques niveau fac suscitent et subliment le mal du pays qui étreint l’étudiant débarqué du Midwest. J’avais grandi au milieu d’un espace vectoriel, quadrillé de lignes et de lignes en travers d’autres lignes – et, amples comme autant d’horizons, de vastes arcs géodynamiques, l’étrange tourbillon topographique par lequel s’écoule toute une étendue repassée par la glace, une terre qui vire et pivote sur son socle tectonique. L’aire qui s’étalait au-delà et en deçà de ces larges courbes à la jointure de la terre et du ciel, je pouvais en prendre le levé à vue d’œil bien avant de comprendre les infiniment petits comme des droits de passage, les intégrales comme des schémas. Faire des maths dans un établissement vallonné de l’est était comme un réveil ; démantelée, la mémoire était mise au jour. L’analyse était, littéralement, un jeu d’enfant.

© David Foster Wallace, 1997.

Pour la traduction française, Au Diable Vauvert, 2005.