Extrait

En ce temps-là, Bordeaux était toute noire. Depuis quelques années déjà, les prostituées avaient cessé de consulter fiévreusement chaque jour dans les pages de Sud Ouest la liste des arrivées des navires marchands (faute de bateaux désormais, la Garonne était devenue comme un grand cadavre à la renverse). Noires tout de même étaient les façades des quais, noirs les desseins d’une bourgeoisie d’affaires qui n’en savait plus faire, noire (et profonde et mystérieuse) la nuit au-dessus de Bordeaux. La ville accompagnait doucement le déclin des ambitions nationales fracassées de son maire. Tout ce qui avait été quelques années auparavant seulement bel et bon et moderne – les grands ensembles, les nouveaux quartiers, les ponts, le festival Sigma et le Mai musical – commençait déjà à accuser son âge. L’automne du patriarche promettait d’être long…