Feuilleton Nº

22

L’Usine à mensonges

Prétendre incarner la voix du peuple. Considérer la subtilité comme un ennemi. Bannir toute explication. Rester simple. Privilégier un thème unique. Ne pas hésiter à se répéter. Utiliser la rime, voire l’anaphore. Autant de préceptes auxquels semble obéir une campagne politique aujourd’hui. Or, ces maximes sont l’oeuvre de Clem Whitaker et Leone Baxter. Ayant débuté en Californie, dans les années 1930, ces consultants politiques, des pionniers, ont inauguré une ère nouvelle. Ou comment la politique s’est faite business.

Extrait

I Governor of California, and How I Ended Poverty, [Moi gouverneur de Californie et comment j’ai mis fin à la pauvreté], d’Upton Sinclair, est sans doute l’un des exemples les plus palpitants de ce genre à part entière qu’est le manifeste de campagne. Au lieu des inepties habituelles, Sinclair, auteur de quarante-sept livres, dont le plus connu reste La Jungle, écrivit une fiction. Moi, gouverneur de Californie, publié en 1933, annonçait la candidature de Sinclair au poste de gouverneur. Il prend pour cela la forme d’un récit historique d’anticipation dans lequel Sinclair est élu gouverneur en 1934 et où, au terme de son premier mandat, en 1938, il a éradiqué la pauvreté. “Pour autant que je sache, remarquait l’auteur, c’est la première fois qu’un historien s’attèle à la tâche de faire advenir son histoire.”