Feuilleton Nº

16

Le réseau des restos

auteur
Lauren Hilgers
traducteur

Aux États-Unis, après un siècle de domination sans partage sur le marché de la restauration chinoise, la communauté cantonaise s’est vue remplacée, au tournant des années quatre-vingt-dix, par une population issue pour l’essentiel de la province de Fujian. Plus précaires, ces nouveaux-venus ont fait montre de qualités d’adaptation remarquables pour échapper à leur destin. Ainsi, il y a quatre ans, Rain a atterri dans le Chinatown de New York. Difficile de se faire une place sous le soleil américain.

Extrait

Dans ce centre commercial situé au bord de l’autoroute Indian Head, Maryland, un restaurant chinois en forme de pagode d’un rouge criard se détache au milieu d’une série d’enseignes sans caractère : manucure, vins et spiritueux, laverie. Un matin de juillet 2014, deux clients entrent dans la salle aux lumières tamisées. Le premier service débute dans une demi-heure, et en dehors de quelques poissons apathiques dans l’aquarium, la pièce est déserte.

En cuisine, la vapeur commence tout juste à monter depuis les marmites de soupe. Deux commis découpent du gingembre à un rythme effréné. La majorité des clients du déjeuner viennent pour le buffet, et il est loin d’être prêt. “Les clients sont déjà là!” aboie le patron, un Chinois d’une cinquantaine d’années, maigre et nerveux. Il lâche un récipient imposant sur le plan de travail en métal dans un grand bruit. “Mais comment vous faites pour aller si lentement ?”

 

 

The Kitchen Network a été traduit de l’anglais (États-Unis) par Camille Bordas. 

Le texte a paru pour la première fois dans le New Yorker le 13 octobre 2014. 

© Lauren Hilgers, 2014.