Desports Nº

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J’avoue que j’étais un buteur

J’avoue que j’étais un buteur

À treize ans, Luis Sepúlveda jouait avant-centre dans l’équipe minime de Vivaceta, son quartier de Santiago du Chili. Le football occupait alors toute sa vie ; mais il rencontra Gloria. La plus jolie des filles aimait plutôt la poésie que le ballon rond. Elle offrit au jeune homme sa première déception amoureuse en même temps qu’une grande désillusion quant au pouvoir du football. Des années plus tard, la littérature chilienne y gagnerait un écrivain.

Extrait

Poussé par des amis, il m’est arrivé quelquefois d’avouer comment et pourquoi diable j’avais décidé d’être écrivain ou, pour parler plus modestement, d’approcher la littérature.
J’envie parfois les femmes et les hommes de lettres qui avouent avoir vécu en compagnie de bibliothèques familiales vétustes et bien remplies. Ce n’est pas mon cas. J’ai grandi dans un quartier prolétaire de Santiago du Chili et, même s’il y avait à la maison quelques livres, surtout des romans d’aventure, Jules Verne, Emilio Salgari, Jack London, Karl May, dire qu’il s’agissait d’une bibliothèque relèverait d’une terrible prétention.

Lorsque j’étais un enfant, ou un préadolescent de treize ans, mon grand rêve était de percer dans le football et d’arriver un jour à devenir professionnel de ce grand sport. Je ne me débrouillais pas trop mal. J’étais avant-centre dans l’équipe minime de l’Unidos Venceremos FC, le club de mon quartier, Vivaceta.

Mon rapprochement avec la littérature a commencé un dimanche d’été tandis que, mes chaussures de foot sur l’épaule, je me dirigeais vers le stade Lo Saenz, propriété du syndicat Santiago Watt regroupant les ouvriers de Chilectra, la compagnie chilienne d’électricité.

© Luis Sepúlveda, 2012