Feuilleton Nº

18

Je fouine, je parle aux gens, j’attends

Entretien avec William Finnegan

traducteur
Frank Reichert
illustrateur
Aline Zalko

Lauréat du prix Pulitzer 2016 pour son autobiographie remarquée par Barack Obama, Barbarian Days: A Surfing Life, (à paraître aux éditions du sous-sol au printemps 2017), William Finnegan est aujourd’hui considéré comme une figure incontournable de la non-fiction américaine. Ce surfer invétéré, rédacteur régulier du New Yorker depuis 1987, a acquis ses galons de journaliste sur le terrain, aux quatre coins du monde. De la guerre civile du Soudan à la résurgence de gangs néonazis en Californie, ses reportages sont le fruit de longues immersions et de patientes observations. À Robert Boynton, il livre ici sa manière d’appréhender le métier.

Extrait

Robert S. Boynton – Dans l’introduction de Cold New World, votre reportage amer sur de jeunes Américains paupérisés (noirs, mexicains, néonazis), vous vous qualifiez vous-même de “spécialiste de l’inattendu”. Qu’entendez-vous par là ?

William Finnegan – Je me suis servi de cette formule parce que j’ai rarement une idée toute faite de mon article quand j’entame un projet, bien que je n’en dise rien à mes éditeurs. À la vérité, quand je termine de l’écrire, l’histoire est souvent très différente de celle sur laquelle je partais. Par exemple, je suis allé en Somalie en 1995, dépêché par le New Yorker pour couvrir la fin d’une mission avortée des Nations unies. L’intervention avait mis fin à la famine mais tourna ensuite au fiasco. Le retrait de l’ONU était tendu : c’est là-dessus que se sont
concentrés les quelques journalistes étrangers présents. Mais je ne suis pas un reporter conventionnel et j’avais d’autres visées. Or tout le pays était à ma disposition ! En observant la Somalie plutôt que le retrait des Nations unies, mes idées préconçues sur ce pays souffrant, affamé et plongé dans l’anarchie ont été très vite mises à mal par la réalité : j’avais sous les yeux une société en effervescence, efficace et passionnante. Il n’y avait certes plus de gouvernement et beaucoup de violence, mais de nouvelles structures avaient visiblement émergé pour remplacer l’État, tandis que se réalisaient de nombreuses transactions commerciales. On publiait des journaux, les gens mangeaient et vivaient leur vie. La question qui se posait, c’était :
comment était-ce possible ? Aucun service étatique n’aurait pu vous répondre : ni banque, ni poste, ni aucune administration normale moderne.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Frank Reichert. Cet entretien est extrait de The New New Journalism: Conversations with America’s Best Nonfiction Writers on their
Craft
de Robert S. Boynton, paru en 2005 chez Vintage Books Original. Des coupes ont été réalisées pour la présente édition.
© Robert S. Boynton, 2005.

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