L'Entretien Nº

1

Bernard Noël

La résistance de la langue

Depuis Extraits du corps, Bernard Noël a publié une cinquantaine de livres. Des poèmes, des romans et des récits, du théâtre, des journaux, des essais sur l’histoire, la politique, l’art et la littérature, des éditions critiques, des dictionnaires, des traductions et même des livres pour enfants – une multiplicité de genres qu’un seul résume peut-être, qui orienterait toute l’oeuvre, moins un genre générique qu’une démarche, une action, un acte sans cesse recommencé mettant en oeuvre le désir et sollicitant tous les sens dans un champ où l’éthique et l’esthétique sont indissociablement liées.

Extrait

Parler de vos publications, Bernard Noël, c’est mentionner d’abord la réédition, dans la collection Poésie/ Gallimard, de L’Archangélique et autres poèmes de Georges Bataille. Un livre que vous nous avez fait connaître pour la première fois en 1967, au Mercure de France, c’est-à-dire cinq ans après la mort de l’auteur de La Haine de la poésie. Est-ce que cette nouvelle édition diffère de la première ?

BN : Elle est surtout plus complète parce que j’ai essayé de rassembler dans ce volume la totalité – enfin, on n’est jamais sûr de rassembler la totalité d’une oeuvre – mais, en tout cas, je pense, au moins quatre-vingt-quinze pour cent de ce qu’on peut qualifier de « poème » dans l’oeuvre de Bataille. Ce qui est nouveau aussi, c’est ma préface, qui est beaucoup plus agressive, je pense, et plus tranchante que ne l’était la première.

Une préface que vous avez intitulée « Le bien du mal ». Vous avez également ajouté à cette nouvelle édition tout un appareil critique. 

BN : Gallimard a hésité un peu à publier dans un volume de poche tout cet appareil critique mais je pense qu’il fallait le défendre, tout simplement parce qu’il donne à lire des versions successives. Pour moi, au fond, ces notes qui se contentent d’énumérer des changements de vers sont à lire un peu aussi comme un poème, un poème marginal mais un poème plein de trous et de suspensions – ce qui, me semble-t-il, est bien dans le ton de Bataille.

Photo : © Frédéric Stucin