L'Entretien Nº

2

Arundhati Roy

L’éveilleuse de conscience

Arundhati Roy

Écrivaine, militante féministe écologiste et altermondialiste, Arundhati Roy est aujourd’hui l’une des femmes les plus « puissantes » (au sens ou Marie NDiaye utilise ce mot). Sa voix, ses engagements, sa loyauté, sa profondeur de réflexion sur le devenir du monde font d’elle une nouvelle figure d’engagement intellectuel.

Extrait

Arundhati Roy, vous avez été élevée dans un tout petit village du Kerala. C’était un moment où cet État vivait une période communiste. Votre militantisme a-t-il commencé dès l’enfance ?

A R : Je ne dirais pas forcément que j’étais militante dès l’enfance, j’ai grandi dans une communauté très classique et très traditionnelle qui n’acceptait, par exemple, aucun enfant qui provenait d’un mariage en dehors de la communauté. Mon père était plus « bramo » que brahmane en tant que tel, c’était le volet réformiste des brahmanes. Mais ma mère était chrétienne syriaque. Mes parents se sont séparés quand j’étais toute petite et ma mère est revenue au village après cette séparation : on me regardait un peu de travers. Quand on vit ce genre de choses, on commence à réfléchir évidemment, quand on voit tout ça autour de soi, même très jeune. C’est un peu comme ça que les choses se sont faites pour moi. Lorsqu’on vous tient à distance dans le village ou dans votre entourage, on commence à se demander : mais qui sont ces gens et pourquoi est-ce qu’on ne m’accepte pas ?

© F. Mantovani