L'Entretien Nº

1

António Lobo Antunes

Sous la dictée du livre

Pour António Lobo Antunes, « c’est exténuant d’écrire ». Son vingt-sixième livre – ne pas dire roman – n’en vient pas moins d’être traduit en français par Dominique Nédellec chez Christian Bourgois. Le suivant est en cours de traduction et celui d’après sur le point d’être commencé. Puis, à en croire Lobo Antunes, c’en sera fini de l’écriture. Mais ce ne sera pas la première fois qu’une telle annonce sera suivie, nous l’espérons, d’un désaveu. Contrairement à son affirmation, « Ce que j’ai à dire, je l’ai écrit », il ignore de quoi son écriture demain sera faite pour la simple raison que ses livres, il le répète dans l’entretien qui va suivre, lui sont « dictés ».

Extrait

Il n’est peut-être pas inutile, António Lobo Antunes, de rappeler que vous avez été médecin-psychiatre à Lisbonne et puis que vous avez vécu cette expérience terrible de la guerre coloniale en Angola. Il en reste quelque chose, on s’en doute, dans tous vos livres, depuis le premier que nous avons pu lire en français, Le Cul de Judas, de 1983, qui n’est d’ailleurs pas votre premier livre, le premier a été traduit plus tard, jusqu’à celui dont nous allons parler maintenant, Je ne t’ai pas vu hier dans Babylone. Et si ces livres ont tous un autre trait commun, c’est de ne pas pouvoir être définis et rangés dans un genre littéraire bien précis. Au contraire, vous vous échappez des genres habituels, comme si l’essentiel pour vous était d’écrire, peu importe qu’il s’agisse de romans, de récits ou d’essais.

A L A J’aurais une certaine difficulté à appeler ce que je fais des romans. Au moins, à partir du quatrième ou du cinquième livre. Oui les tout premiers sont des romans. Mais j’étais insatisfait, je finissais le livre et je me disais ce n’est pas ça, ce n’est pas encore ça. Je n’avais pas trouvé ma voix, je savais seulement que je ne voulais pas raconter d’histoires.

Photo : © Frédéric Stucin